•  Préambule :

    Cet article se situe dans la continuité du précédent, et la photo ci dessus est tirée du film "Bad Lieutnant"

    Sur ce blog nous avons des slogans, dont celui ci, tiré de Brunschvicg, comme tous les autres, et qui définit notre méthode pour l'acheminement de l'âme vers le Dieu des philosophes : l'expansion infinie de l'Intelligence menant (devant mener) à l'absolu désintéressement de l'Amour.

    Mais  : "connais tu bien l'amour, toi qui parles d'aimer ?"

    évidemment non ! car ce que l'on sait faire, on le fait, ce que l'on ne sait pas faire, on en parle.

    Et certes celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.

    Nous parlons ici depuis l'Enfer du Non-amour, et de l' ignorance, des ténèbres recouvrant d'autres ténèbres. Et comme l'a dit notre Maitre Satan :

     "Long et difficile est le chemin qui de l'Enfer mène à la Lumière"

    O Seigneur, Seigneur, crevez moi les yeux, que je voie !

    or, si nous les gens du Non-amour (et non les mal-aimés, je ne suis pas Claude François ) nous devons quand même nous former une "image", très imparfaite, de ce que nous désirons atteindre, l'Amour "Maitres des Cieux", je ne vois pas comment s'en former une meilleure  que celle du personnage féminin de "Bad Lieutnant", cette religieuse ignoblement violée mais qui l'instant d'après "a déjà pardonné".

    Ce que bien sûr ne pourront jamais comprendre les gens comme nous, les fils de l'Enfer occidental.

    Mais une image reste une image, ce ne saurait être une pensée. Et celui qui parle ici, le pauvre personnage, ayant bu la goutte de Néant qui manque à la mer,  ne saurait s'agenouiller en compagnie de cette religieuse pour prier...

    pardonnez moi, ma soeur, mais je vous dois la vérité, et donc d'abord la sincérité... et d'ailleurs je ne suis pas digne de vous approcher...

    il va s'en expliquer ici

    ********************************************************************************

    L'universalisme concret, à hauteur de vie , expérience et pensée humaine, que j'entends ici opposer à l'universalisme abstrait qui prévaut dans la mondialisation, il a été magnifiquement dépeint par Brunschvicg dans sa description de l'homme occidental qui figure sur la page de ce blog :

    "L'homme occidental, l'homme suivant Socrate et suivant Descartes, dont l'Occident n'a jamais produit, d'ailleurs, que de bien rares exemplaires, est celui qui enveloppe l'humanité dans son idéal de réflexion intellectuelle et d'unité morale"

    Le terme "enveloppe" est spinoziste, on le trouve dans l'Ethique et l'axiome de la Substance dont l'essence enveloppe l'existence. Mais retenons juste ici que l'humanité n'est pas envisagée comme un ensemble (des humains) mais comme quelque chose qui est de l'ordre de l'idéal, de l'essence, qui a à voir avec une activité, de réflexion intellectuelle et d'unité morale, quelque chose donc qui peut et doit être réalisé par des hommes concrets, vivants.

    On peut dire ceci : le but de la vie de l'homme, c'est de devenir homme, humain, c'est à dire aussi "Dieu" : l'humanisation complète c'est la déification dont parlait Brunschvicg dans l'Idéalisme contemporain, dans le chapitre "Spiritualisme et sens commun" qui a fait l'objet d'un article précédent :

    http://www.blogg.org/blog-76490-billet-atheisme__spiritualisme__philosophie_et_sens_commun_selon_brunschvicg-955910.html

    L'importance de ce chapitre et de ce livre, qui ne saurait être surestimé, vient de ce qu'il offre une définition exacte et précise de l'idéalisme, c'est à dire de la vraie philosophie, et de la vraie science d'ailleurs, comme science des idées...rappelons quelques citations de ce chapitre :

    "mais si l'idéal est la vérité, il est la vie même de l'esprit. L'idéal, c'est d'être géomètre, et de fournir d'une proposition une démonstration rigoureuse qui enlève tout soupçon d' erreur; l'idéal c'est d'être juste, et de conformer son action à la pureté de l'amour rationnel qui enlève tout soupçon d'égoïsme et de partialité.

    Le géomètre et le juste n'ont rien à désirer que de comprendre plus ou de faire plus, de la même façon qu'ils ont compris ou qu'ils ont agi, et ils vivent leur idéal.

    Le philosophe n'est pas autre chose que la conscience du géomètre et du juste; mais il est cela, il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi; le philosophe ouvre l'esprit de l'homme à la possession et à la conquête de l'idéal, en lui faisant voir que l'idéal est la réalité spirituelle, et que notre raison de vivre est de créer cet idéal."

    avec aussi ce que nous pourrions appeler l'alternative pour le temps qui vient :

    "Ou nous nous détachons des idées qui sont en nous pour chercher dans les apparences extérieures de la matière la constitution stable et nécessaire de l'être, nous nous résignons à la destinée inflexible de notre individu, et nous nous consolons avec le rêve dun idéal que nous reléguons dans la sphère de l'imagination ou dans le mystère de l'au delà ;ou bien nous rendons à nos idées mortes leur vie et leur fécondité, nous comprenons qu'elles se purifient et se développent grâce au labeur perpétuel de l'humanité dans le double progrès de la science et de la moralité, que chaque individu se transforme, à mesure  qu'il participe davantage à ce double progrès. Les idées, qui définissent les conditions du vrai et du juste, font à celui qui les recueille et s'abandonne à elles, une âme de vérité et de justice; la philosophie, qui est la science des idées, doit au monde de telles âmes, et il dépend de nous qu'elle les lui donne"

    Cet idéal concret, à hauteur de vie et d'activité humaine, dont la création est notre raison de vivre, et que la philosophie a pour mission de nous permettre, c'est à dire de permettre à tout homme, il peut aussi être appelé "humanité" !

    l'humanité ce n'est pas l'ensemble, ou la collection, de tous les hommes, ou bien de ceux qui méritent d'être appelés "hommes", à l'exclusion de....ceux qui ne le méritent pas : les barbares, les nazis, les terroristes, les racistes , les pédophiles, etc..etc...

    l'humanité repose, est "enveloppée" dans l'idéal concret qui est l'horizon de la philosophie.

    Les conséquences de cette différence sont incalculables !

    Notons d'abord, à la suite de Badiou, que l'humanisme , si du moins il s'appuie sur une définition ensembliste de l'homme, est un nazisme ! (enfin il ne l'a peut être pas dit sous cette forme un peu abrupte). Et c'est aussi un irrationalisme !

    car tout dépend de la définition que l'on donnera de l'homme, et chacun aura la sienne. Et chacun aura donc son "ensemble de non humains" à exterminer donc !

    C'est ainsi qu'au début de "Logique de la philosophie", Eric Weil remarque que personne ne s'accorde sur une définition de l'homme : car l'homme est celui qui donne les définitions (ou qui "nomme" les êtres, selon Genèse 1) !

    C'est bien ce qui arrive avec les islamistes. Sont "hommes" ceux qui sont soumis à Dieu et rentrent dans l'oumma, sont non humains les pervers, les mécréants, ceux qui refusent d'entrer dans l'oumma...et un sort peu enviable attend ces derniers, dans la "cité de Dieu musulmane" enfin réalisée aux dimensions de la Terre.

    Par contre, si l'humanité est "quelque chose" que nous sommes tous appelés à réaliser, alors chaque "homme" (potentiel) est précieux, parce que quoiqu'il ait commis comme crimes dans le passé, il peut encore réaliser cette "humanité".

    Ou ne le peut il pas ? en tout cas il faut pour cela qu'il rompe totalement avec son passé, avec le "vieil homme", dans une "seconde naissance" dont les grands livres de philosophie, comme le "Discours de la méthode", la "Réforme de l'entendement" de Spinoza ou l'Idéalisme contemporain de Brunschvicg, donnent la méthode et l'accès.

    La philosophie s'avère donc être la chose la plus importante de toutes, puisqu'elle seule nous permet de réaliser notre raison de vivre : notre humanité. Mais qu'est ce que la philosophie ? ne sommes nous pas confrontés à la multitude des différents sysèmes, qui s'opposent et se déchirent, et rejetés ainsi dans la confusion, la désorientation et les "ténèbres extérieures" ?

    Or, depuis le "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre" de Platon, la philosophie procède d'une affinité, d'une continuité avec la mathématique.

    Cet héritage platonicien, admis par Malebranche, Brunschvicg ou Badiou, il est rééxaminé par le mathématicien-philosophe Jean-Michel Salanskis  dans son ouvrage récent : "Philosophie des mathématiques" (Ed Vrin, collection "Problèmes et controverses") dans un chapitre intitulé : l'héritage platonicien peut il être refusé ?

    Et à cette question Salanskis répond : non !, après avoir examiné la poisiton alternative, celle du refus de l'héritage, qui est celle de Heidegger.

    Je n'ai pas le temps ici de résumer même succinctement la méditation de Salanskis, je le ferai peut être plus tard, mais je précise que je l'accepte sans réserve, et je conseille à tous les lecteurs de lire cette partie de son livre au moins : disons page 1 à 20.

    Or nous allons maintenant constater que la mathématique offre des indications très précises sur la question de l'universel : je me réfère ici à un article de David Ellerman intitulé : "Concrete universals in category theory" :

    http://www.ellerman.org/Davids-Stuff/Maths/Conc-Univ.pdf

    Sa page web contient d'ailleurs un grand nombre d'autres publications, dont pas mal de travaux mathématiques à visée philosophique, qui tous sont extrêmement intéressants de notre point de vue :

    http://www.ellerman.org/Davids-Stuff/AboutDavidEllerman.htm

    Dans son article sur les catégories, Ellerman donne des définitions précises des notions utilisées jusqu'ici, que je m'en vais maintenant résumer.

    Dans la théorie platonicienne des Idées  ou formes (Eidê), toute propriété F donne lieu, est associée à un universel uF qui la représente de manière unique.

    Un objet x a la propriété F si et seulement s'il "participe" à l'universel uF F(x) ↔ x μ uF  ( μ comme "metexis" est le signe de "participer") (condition d'universalité)

    Une théorie mathématique des universaux doit, en plus de cette relation binaire μ être munie d'une relation d'équivalence (cad réflexive , symmétrique et transitive) ≈ telle que l'on ait la condition d'unicité, ou plutôt d'isomorphisme :

    si uF et u'F sont deux universaux associés à la même propriété F alors on doit avoir : uF ≈ u'(condition d'unicité)

    Un universel est dit abstrait s'il ne participe pas à lui même : ¬ ( uF μ uF )

    Il est dit concret s'il participe à lui même :  uF μ uF

    On trouve dans la philosophie, et notamment chez Platon, des universaux des deux espèces, abstraits et concrets. Nous travaillerons ici à faire descendre Platon du Ciel en Terre, dans le même mouvement selon lequel Copernic avait projeté la Terre dans le Ciel : ce qui veut dire ne se soucier que des universaux concrets, à portée d'expérience et de pensée humaine, et "oublier" les formes existant "séparément", dans un monde Intelligible qui ne veut rien dire pour nous. Telle est la leçon que nous retenons de Brunschvicg et de sa réinterprétation de l'idéalisme platonicien (à la suite de Kant) et du pythagorisme (voir là dessus les deux articles à propos de "Spiritualisme et sens commun").

    Or deux théories très générales se présentent à nous en mathématiques, très différentes de par la "relation de participation" qu'elles proposent :

    - la théorie des ensembles, où la relation de participation μ est la relation d'appartenance à un ensemble : ∈ ; x participe à B si et seulement si x appartient, ou est un élément, de l'ensemble B : x ∈ B

    - et la théorie des catégories, où la relation de participation proposée par ellerman est celle de "factorisation unique par un morphisme", intervenant fréquemment pour définir une "construction universelle" (exemple : le produit tensoriel classique d'espaces vectoriels) :

         x participe à y si x,y sont objets d'une catégorie C et s'il existe un morphisme unique μ dirigé de x vers y : 

                                         μ :  x → y

    Or les universaux ensemblistes sont abstraits, car le paradoxe de Russell a encouragé les mathématiciens à éliminer les ensembles qui s'appartiennent à eux mêmes (Badiou les retient dans l'Etre et l'évènement pour formaliser l'évènement justement, soit ce qui n'appartient pas à l'ontologie mathématique "normale" : l'évènement est une rupture du "normal").

    En effet, dans la conception naîve qui régnait avant que Russell ne découvre le fameux paradoxe, à n'importe quelle propriété correspondait un ensemble des objets ayant cette propriété. Dans l'ontologie ensembliste il n'y a qu'un domaine d'objets : les ensembles. Considérons la propriété F :"ne pas s'appartenir à soi même" . Un ensemble X a la propriété F , F(X) si et seulement si :

                                                X ¬ X

         Si l'on admet qu'à toute propriété correspond un universel ensembliste, un ensemble des ensembles ayant cette propriété, alors il existe un ensemble A des ensembles ayant la propriété F, c'est à dire ne s'appartenant pas à eux mêmes.

    Or l'examen de cet ensemble A mène à un paradoxe :  car si A ne s'appartient pas à lui même, il a la propriété F, et donc il appartient à l'ensemble des ensembles qui ont la propriété F, qui n'est autre que lui même, A.

    Si A s'appartient à lui même, alors il appartient à l'ensemble des ensembles qui ne s'appartiennent pas à eux mêmes, et donc il ne s'appartient pas à lui même !

                    Si  A   ∈  A, alors A  ¬∈ A    ; si    A  ¬∈ A  alors   A   ∈  A            

    Pour éviter ces inconsistances on a élaboré plusieurs axiomatiques qui toutes ont d'une façon ou d'une autre "éliminé" les ensembles s'appartenant à eux mêmes. Ce qui veut dire, dans les termes d'Ellerman, qu'on n'a retenu que des ensembles "plus abstraits d'un degré" que leurs éléments : des universels abstraits.

    C'est clair dans la hiérarchisation par la théorie des types.

    Ellerman passe un peu vite sur les autres axiomatisations  : il ne parle que sommairement des "new foundations" de Quine, de ZF (étudiée par Badiou) ou de NBG (Gödel-Von Neumann-Bernays) où l'on distingue ensembles et classes.  Un travail important consiste donc à rééxaminer, du point de vue des théories de l'universel, ces autres axiomatisations, sans oublier d'autres comme les "non well founded sets" d'Aczel.

    Dans la théorie des catégories, la forme même de la condition d'universalité de la participation μ :  x → y

    fait que tout universel y est toujours concret. Ceci est garanti parun des axioems de la théories, qui est l'existence d'un morphisme identité Id pour tout objet u :

                                         Idy :  y → y

          La relation d'équivalence associée est alors l'isomorphisme (le fait pour deux universels correspondant à la même propriété d'être reliés par un isomorphisme de la catégorie, c'est à dire un morphisme inversible à droite et à gauche) ; dans la théorie ensembliste, c'est l'égalité entre ensembles   .

    Il y a encore bien d'autres pistes d'études extrêmement importantes dans cet article "séminal", notamment celle des foncteurs adjoints : l'adjonction est sans doute la notion la plus importante (et la plus difficile) de toute la théorie, et elle lui est spécifique (je ne vois pas comment la développer dans un autre cadre). De plus elle joue un rôle primordial dans la fondation des mathématiques, comme en témoignent les travaux de Lawvere ("Adjointness in foundations") .

    Mais il vaut le coup de revenir sur les notions d'essence et de concrétude dans le cadre  de catégories bien particulières : les treillis P(U) de partie de U,  U étant un ensemble.    

    A et B étant deux ensembles , considérons la propriété F : "être un sous-ensemble à la fois de A et de B"         

    Si X est un ensemble ayant la propriété F, une imperfection de X est un autre ensemble X' ayant la propriété (contenu dans A et dans B ) qui n'est pas contenu dans X (c'est à dire ayant des éléments qui n'appartiennent pas tous à X). Un ensemble Y ayant la propriété et contenant X est dit "plus essentiel" que X.

    Le processus de "filtrage des imperfections", consistant à s'acheminer de plus en plus vers l'essence de la propriété, consiste à former les unions d'ensembles : car si X et X' ont la propriété mais sont des imperfections, alors en prenant l'union : X U X'    on obtient un ensemble qui contient à la fois X et X', et qui a la propriété, donc plus essentiel que X et X'.

    Ce processus possède une limite : c'est le maximum au delà duquel le filtrage ne peut plus rien ajouter, ce qui veut dire que l'essence est atteinte. C'est tout simplement l'intersection de A et de B :  A∩ B .

    Il s'agit de l'essence de la propriété F, d'un universel, et d'un universel concret : car A ∩B ≤ A ∩ B (il est contenu dans lui même).

    Car la forme parait ensembliste, mais le signe de participation est ≤ (inclusion), non plus   ∈ : nous nous situons dans une théorie catégorique (la catégorie étant alors le treillis des partie), non dans une théorie ensembliste.

     Or ce processus de "filtrage des imperfections" peut se généraliser à toutes les catégories .

    Un christianisme de philosophes.   

    Nous pensons   que  ce cadre formel permet de penser (puisque la mathématique est une pensée, non un outil de calcul) l'Incarnation du Christ-Logos, et qu'il s'agit donc du cadre véritable du christianisme véritable, c'est à dire débarrassé des mythologies de la mise en croix, mise au tombeau, de la résurrection des morts, etc... 

    L'Incarnation  du Logos, c'est l'universalisme  concret. Le fait de faire descendre les universaux du ciel intelligible sur la terre des hommes.  

    Et comprendre l'Incarnation importe (ou devrait importer) tout spécialement à ceux qui s'ocupent de sciences : car Alexandre Kojève a démontré que la science moderne est d'origine chrétienne. D'ailleurs les créateurs de cette science (Copernic notamment, Nicolas de Cuse, Descartes, et d'autres) étaient tous de bons catholiques, et leur souci principal était d'achever de libérer le christianisme des résidus de paganisme.

    Kojève montre aussi, par élimination, que c'est le mythe (mais que nous avons pour devoir de démythologiser) de l'Incarnation qui dans le christianisme est le fondement de l'acte fondateur de la science moderne, qui est aussi l'acte "créateur" du Dieu des philosophes et des savants : la projection par Copernic de la Terre dans le ciel, qui aboutit à la situation où il n'y a plus que le ciel, ou que la terre...ni haut ni bas , ni en deça ni au delà.

    Car l'Incarnation est cela seul qui distingue le christianisme des autres monothéismes, parmi lesquels le paganisme philosophique.

    Or ni les païens (gréco-romains), ni les chinois (qui pourtant étaient arrivés à un prodigieux développement technique), ni les juifs , ni les musulmans, n'ont eu la possibilité ni même la volonté, de créer la science moderne, la théorie mathématique universelle du Tout. Pour eux cela aurait été impensable, ou blasphématoire. Ce sont des chrétiens qui ont créé la science moderne, la science véritable, comme transformation de la pensée de l'Incarnation.

    Reprenant ce que nous disions au début, nous retrouvons cette conception de l'incarnation et de l'idéalisme, de l'idéal comme ce qui est le plus concret, et non pas le plus abstrait, chez certains mystiques, comme Angelus Silesius  , quand il dit quelque chose comme (de mémoire ) : si la crucifixion ne se produit pas en toi, alors que t'importe qu'elle se soit produit une fois dans  l'histoire, sur le Golgotha ?  

    Mais les mystiques ne font que pressentir ce que la pensée mathématique permet de savoir rigoureusement .     

    Ce savoir apodictique est que tout homme est appelé à s'humaniser complètement, c'est à dire à devenir le Logos-Christ, et que c'est cela et seulement cela, le Christ, une essence, et non pas un individu unique vivant à une date unique dans le Temps : Jésus-Christ.

    Jésus-Christ est en fait Jésus-NON-Christ.

    Le Christ n'est ni un individu vivant dans le temps (donc ce n'est pas Jésus) , ni une communauté d'individus coexistant dans le Temps, une oumma.

    Le Christ est le Logos, comme horizon de nos tâches infinies qui nous sont imparties par la Raison et elle seule, et non par un Livre soit disant divin ou sacré. Il est, si l'on veut, humanité idéale et divinité tout à la fois, Idéal asymptotique de l' Homme.

     Fils de l'Homme donc, là oui, je suis d'accord...

    il est l'Essence que tout homme est appelé à réaliser en lui même, c'est cela sa raison de vivre.

    Un devoir être, non un être.

    Dieu des philosophes et des savants, et non le Dieu d'Abraham....


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  • Cette rubrique "Mathesis universalis" constitue donc l'aboutissement (assez maigre) des réflexions menées sur les divers blogs portant ce titre.

    Ce nom (en deux mots) possède pour moi une force de fascination que rien ne peut éteindre ; Brunschvicg y verrait sans doute (il y a vu d'ailleurs, on a des passages assez clairs là dessus) une survivance "folklorique" des naïvetés du passé, auxquelles le grand Descartes encore a pu céder (puisque c'est lui, avant Leibniz, et d'un point de vue bien différent) qui a repris ce vieux projet parmi toutes les "pansophies" du Moyen Age pour le transformer en l'idée d'une science une et universelle (ce qui d'ailleurs est à mon avis loin d'être une naïveté) : puisque l'humaine sagesse est une, alors la science doit être une.

    Mais selon Descartes, la raison humaine est certes toute puissante en son empire, mais celui ci est borné de limites infranchissables. Et lorsqu'il aborde aux rives de la métaphysique, avec le Discours et les Méditations, les pensées des Regulae, et avec elles la Mathesis universalis, tombent dans l'oubli définitif (avec d'ailleurs les premiers manuscrits des Regulae, qui seront retrouvés bien plus tard, par une coïncidence presque...miraculeuse). Personne n'a songé à les réveiller depuis...et quant à nous nous ne nous sentons pas de taille pour cela.

    Quoiqu'il en soit, rappelons pour commencer que la visée de cette rubrique n'est pas scientifique mais philosophique, et donc dans notre "langage" religieuse. Mais il pourra s' y trouver des notes très techniques (et très désordonnées), puisque selon la conception de Brunschvicg dont nous voulons nous inspirer, le "changement d'axe" de la vie religieuse intervenu aux 16ème-17 ème siècles en Europe oblige ceux qui se soucient de philosophie et donc de vie spirituelle, et donc de vie religieuse, à déserter les églises et les synagogues et à consacrer tout leur temps disponible (qui hélas compte tenu des contraintes de la vie moderne se réduit comme une peau de chagrin) à l'étude des avancées de pointe en physique et en mathématique.

    Or ceci peut conduire à des réflexions désespérantes, voire désespérées. Car comme le notent les intervenants de la séacne du 2 juin 1962 à la société française de philosophie, consacrée au cinquantenaire du Grand Oeuvre de Brunschvicg , les "Etapes de la philosophie mathématique" (1912) :

    http://www.sofrphilo.fr/telecharger.php?id=65

    les progrès en mathématique depuis le début du 20 ème siècle ont été tellement intenses que personne ne peut plus se trouver dans la situation où se trouvaient Brunschvicg et d'autres assez rares philosophes : "nous en savons beaucoup plus qu'à l'époque de Brunschvicg collectivement, mais individuellement nous n'en saurons jamais autant que lui".

    Ou, en d'autres termes : du point de vue qui est le nôtre, l'étude des mathématiques, ou plutôt de LA mathématique, doit conduire à une vision "intuitive" de l'unité de l'intelligence, et de l'unité de celle ci avec la "Nature" (dans la physique mathématique). Mais comment pourrions nous embrasser cette unité du regard s'il nous est impossible d'avoir un panorama d'ensemble de LA mathématique, à cause de la complexité croissante de celle ci ?

    Mais ces réflexions désabusées sont peut être prématurées : car il s'est produit, juste à l'époque de la mort de Brunschvicg, un évènement capital dans la vie intellectuelle et donc dans la vie spirituelle-religieuse (pour ne pas parler de la vie tout court) : l'émergence de la théorie des catégories à partir de 1945 (et même 1942 ) avec les premiers travaux d'Eilenberg et Mac Lane.... un évènement dont curieusement les philosophes présents à la séance de 1962 ne parlent pas, sans doute parce qu'il était encore largement inaperçu, hors des cercles restreints de quelques spécialistes, d'ailleurs isolés de leurs collègues "working mathematician" se souciant fort peu de ces théories nouvelles, appelées dédaigneusement "abstract nonsense".

    Or la théorie des catégories permet, pour peu qu'on prenne la peine de l'étudier sérieusement , ce qui veut dire à fond, et réclame des travaux gigantesques, de retrouver l'unité de la vision intellectuelle d'ensemble de LA mathématique, en rapprochant, par des "foncteurs entres catégories", et des foncteurs (transformations naturelles) entre foncteurs, des domaines mathématiques en apparence très éloignés.

    Pourquoi nous sommes nous perdus dans la forêt profonde de l'Etre ? itinéraire de l'âme vers l'Enfer...

    Mais je voudrais, puisque l'optique envisagée ici n'est pas scientifique mais religieuse, revenir au thème principal de ce blog , à savoir tracer à mon tour, et très sommairement, après l'admirable livre d'Olivier Rey, qu'il faudra bien que je commente ici quand j'en aurai le temps, un itinéraire de l'égarement.

    Car reconnaissons le, et cela n'aura certainement pas échappé à la sagacité des rares lecteurs (et donc sagaces parce que rares) de ce blog, il existe une objection facile et évidente qui semble démolir dès le commencement les thèses fondatrices de ce blog. Cette objection, la voici, sous une forme simple, je me l'adresse à moi même:

    "vous dites que l'émergence de la science moderne en Europe, il y a 3 ou 4 siècles, signale l'instauration définitive de l'intellligence et de la raison humaine et sa prise de possession pleine et entière de son Royaume, allant de pair avec une émancipation de l'homme occidental, puis de l'homme tout court,  vis à vis des croyances et préjugés collectifs tribaux, émancipation prenant la forme d'une seconde naissance de l'humanité, d'une naissance spirituelle et définitive, sans possibilité de retour en arrière vers l'obscurantisme et l'ignorance des époques antérieures, seconde naissance dont le traité est le Discours de la méthode de Descartes...

    oui mais alors....comment se fait il que 400 ans plus tard tout aille si mal, et de mal en pis ? comment se fait il que la prétendue "expansion infinie de l'intelligence" dont vous parlez en prenant de grands airs n'ait mené en fait qu'à une augmentation illimitée de la bêtise, de l'immoralité, de l'inculture et de la méchanceté ? une bêtise où d'ailleurs se distinguent particulièrement ces occidentaux que vous semblez mettre sur un piédestal , ces masses abruties d'occidentaux, de "petits blancs" qui ne songent qu'au profit facile pour aller une ou deux fois par an se faire bronzer sur des plages exotiques , voire souiller les femmes de ces pays du Sud attirées par le clinquant de l'argent vite gagné et vite dépensé"...

    et bien sûr, notre interlocuteur imaginaire (mais qui peut bien vite devenir réel) de  poursuivre sur un autre terrrain , plus...disons plus glissant, et donc plus dangereux:

    "mais la vérité, c'est que vous êtes un pleutre, et un lâche ... vous êtes un raciste qui refuse de s'assumer clairement, vous refusez de quitter la position privilégiée qu'a donné à la race blanche la maitrise de la technoscience, en inventant une prétendue spiritualité à l'oeuvre dans la science, une prétendue religiosité qui n'existe que dans votre tête malade de petit juif blanc honteux... mais la science n'est que la création d'hommes avides et cruels voulant s'assurer la domination sur la nature, comme l'avouait clairement votre satané Descartes, qui au moins était plus courageux que vous, et sur les peuples non européens. La science c'est le colonialisme .... la spiritualité véritable n'a rien à voir avec le développement scientifique, mais est liée de manière indissoluble aux religions traditionnelles que vous méprisez parce que vous ne les connaissez pas, ou plus, infidèle que vous êtes à votre propre tradition, et surtout parce que vous êtes moralement incapable de suivre leurs préceptes et d'obéir à leurs Interdits, ceux auxquels obéissaient vos ancêtres que vous méprisez et qui pourtant vous sont bien supérieurs: leurs interdits alimentaires et surtout leurs interdits sexuels, si vous voyez ce que je veux dire....mais il existe une religion où subsiste une communauté véritable, une oumma, une communauté d'hommes et de femmes de tous pays et de toutes races....mais cette communauté n'est pas raciste, contrairement à vous, et même vous, oui même vous les infidèles, les fils de singes et de porcs, vous pouvez rejoindre cette communauté qui n'est autre que l'humanité de l'avenir, unifiée par l'obéissance aux commandements de Dieu...et si vous ne le faites pas à cause de votre ignoble orgueil de blancs, juifs ou chrétiens dégénérés et racistes, vous serez anéantis : personne ne peut lutter contre Dieu...et votre pauvre science humaine devra s'incliner devant la science divine, 'ilmu'llâh, à jamais transcendante et incompéhensible pour les pauvres humains que nous sommes et qui n'ont d'autre voie que l'obéissance et la soumission"

    mais stoppons là ! évidemment le trait est un peu forcé, très forcé même, et puis les critiques peuvent prendre des formes très différentes. Très peu de personnes oseraient ainsi dénigrer en bloc la science, à part peut être quelques "intégristes", religieux ou écologiques...et encore ! le discours le plus courant consiste plutôt à admettre les résultats de la science et leur validité, dans les limites de leur domaine de validité, voire même à suggérer que les avancées scientifiques sont les retombées de la connaissance "ésotérique" à propos des textes sacrés.

    Mais comment ne pas voir que la science est elle aussi créatrice de nouvelles superstitions et de nouveaux "fondamentalismes" si l'on n'en prend qu'une vue partielle, limitée aux résultats interprétés de manière réaliste ? car ceux ci ne se conçoivent que comme résultats justement, à la fin des longues "chaînes de raisons", ou de théorèmes, qui ont menés jusqu'à eux, théorèmes accompagnés de leurs démonstrations : car une proposition scientifique ne signifie rien sans sa preuve.

    De même il est facile de contester que "tout va de mal en pis", au nom du fantastique enrichissement et allongement de la durée et de la qualité de vie procurée depuis un siècle et demi à l'humanité, occidentale tout au moins, par les retombées de la science, en médecine, en agriculture, dans l'industrie, etc...

    Tellement facile que l'on s'abstiendra de le faire ici. Et d'ailleurs, plus généralement, nous sommes persuadés que même si l'on pouvait régler les principaux problèmes économiques , géopolitiques et sociaux qui se posent avec de plus en plus d'acuité, peu aurait été fait. Je ne dirai pas tout à fait que l'homme est un animal métaphysique, parce que je sais de moins en moins ce qu'est le "métaphysique" , mais il y a de ça.... l'être humain, jamais, ne se contentera de mener une vie réglée et "heureuse", pourvue à satiété de tout ce qui peut contenter ses divers appétits, à cause de sa fameuse négativité, ce "trou d'être", ce manque perpétuel qui n'est que le négatif du "divin".

    si vous pensez que tout ce qui importe, ou le principal, dans les affaires humaines, est du domaine du "social", alors vous perdez votre temps à lire ce blog : allez plutôt vous engager dans les équipes de Sarkozy ou d'Obama pour lutter contre les conséquences désastreuses de la "crise", car il y a du boulot...

    Non, personne ne conteste sérieusement les fantastiques progrès sociaux et économiques dûs à la technoscience, et donc à la science, mais beaucoup pensent , avec des arguments assez justes, que ces progrès n'ont concerné qu'une fraction de l'humanité, et se sont traduit pour l'humanité restante par un appauvrissement, ou une perte de l'identité traditionnelle.

    Et beaucoup pensent aussi que ces progrès "matériels" ont entrainé, ou se sont accompagnés, d'une "perte de sens", pour les peuples mêmes qui ont bénéficié de ces avancées.

    comme le dit Olivier Rey : comment la liberté sous la forme de l'autonomie promue par les Lumières a t'elle pu déchoir au niveau de la liberté de choisir son prochain lieu de vacances ?

    ou même, ajouterai je : son programme télévisuel de la soirée ?

    J'ai donc sans doute un peu forcé le trait plus haut, mais je n'ai pas inventé ni complètement faussé la donne existante...

    En fait d'ailleurs, la réponse à ces objections de formes paradoxales ou aporétiques est facile, et elle a déjéà été donnée ici, disséminée au fil de différentes pages.

    Si les hommes se sont avérés infidèles à l'idéal de pure rationalité du 17 ème siècle cartésien et spinozien, idéal appelé ici "Dieu des philosophes et des savants"c'est par faiblesse et impuissance : car la barre a été placée "trop haut", par Copernic déjà, qui a projeté la Terre dans le ciel , c'est à dire détruit la conception du monde précédente, celle du paganisme, qui coexistait avec la science islamique qui n'était autre qu'aristotélicienne, avec sa Terre "au plus bas", ses sphères planétaires, ses étoiles fixes, son "Dieu" doublement transcendant.

    Et projeter la terre dans le cile, cela veut dire que tout est ciel, ou que tout est terre, "ici bas" : pas d'au delà concevable comme "au delà " du monde de la physique.

    Ou encore, comme le dit Bergson cité par Brunschvicg :

    "Un Dieu impersonnel et qui ne fait pas acception des personnes, un Dieu qui n'intervient pas dans le cours du monde et en particulier dans les événements de notre planète, dans le cours quotidien de nos affaires, « les hommes n'ont jamais songé à l'invoquer ». Or, remarque Bergson, « quand la philosophie parle de Dieu, il s'agit si peu du Dieu auquel pensent la plupart des hommes que, si, par miracle, et contre l'avis des philosophes, Dieu ainsi défini descendait dans le champ de l'expérience, personne ne le reconnaîtrait» "

    La "barre" a été placée trop haut en ce sens que tous les "appuis traditionnels" (au delà, jugement dernier, enfer, paradis, post mortem, justice divine, etc...)ont été enlevés d'un seul coup !

    pas étonnant alors que l'homme, le petit homme, celui qui s'effraie des espaces infinis comme de n'importe quelle catastrophe naturelle susceptible de rayer en une seconde sa petite vie, se soit réfugié dans...des dérivatifs, des loisirs, en tout cas des moyens de fuir la "révélation" du Dieu des philosophes et des savants : ce sont les différentes idolâtries et superstitions, parmi lesquelles bien sûr la plus courante est celel des "gadgets" offerts par la technoscience.

    Car ce "Dieu", qui n'intervient pas dans l'Histoire, qui ne nous connaît pas par notre nom , que nous ne "rencontrons" pas en tant qu'individus, en face à face, mais d'esprit à esprit, donc dans notre dimension trans-individuelle,  ne réclame rien moins qu'un héroïsme de la Raison, celui auquel invitait Husserl en 1936-37 dans la "Crise des sciences européennes".

    Or, que l'homme, dans sa situation-dans-le-monde préphilosophique, soit faible, c'est une vérité mise en avant depuis toujours par le christianisme. Elle fait l'objet d'un film fabuleux, prodigieux, très "chrétien" dans l'esprit : "Bad lieutnant", d'Abel Ferrara, sorti au début des années 90. C'est d'ailleurs la substance de l'aveu que fait le magistral acteur Harvey Keitel au cours de la scène où il a l"illlusion de parler au Christ : "je suis trop faible, si tu ne m'aides pas je ne peux rien".

    C'est, si l'on veut, le dernier mot de la Foi.

    Mais la foi est un luxe que beaucoup ne peuvent plus se payer, et notamment les junkies : aussi, si la foi qui sauve n'intervient pas rapidement, passe t'on immédiatement de l'aveu de faiblesse à l'aveu du désespoir, comme dans ce dialogue entre l'inspecteur toxico, Harvey Keitel, et son "amie" blonde qui lui prépare sa seringue :

    "les vampires sont plus heureux que nous, ils ne se nourrissent pas de leur propre substance, eux...il te faut manger tes jambes pour te lever et marcher...bientôt tu seras complètement oublié"

    Or, on comprendra que nous ne puissions pour notre part en rester à ce dernier mot.

    L'explication que nous voulons apporter au "tout va de mal en pis" tourne autour de la mondialisation et de sa fausse conception de l'universel : l'universel abstrait, "ensembliste", celui aussi de la "oumma" (pseudo) universelle, de l'humanité conçue comme un ensemble, une collection.

    Nous verrons, dans un autre article, que la mathématique, qui est une pensée et non un calcul ou un instrument, offre les ressources pour comprendre la nature de ce faux universel "ensembliste," et l'alternative, sous la forme de l'universel concret offert par la théorie des catégories.


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