• pour signer ce texte :

     http://petitions.alter.eu.org/index.php?petition=7

     

     

     

    Refonder l'Université française

     

    Préambule

    Il est désormais évident que l'Université française n'est plus seulement en crise. Elle est, pour nombre de ses composantes, à peu près à l'agonie. Qu'on comprenne bien ce que cela signifie. L'Université n'est pas tout l'enseignement supérieur français. Les classes préparatoires, celles de BTS, les IUT (lesquels font formellement partie des universités), et l'ensemble des petites, moyennes ou grandes écoles, publiques ou privées recrutent largement. Mais c'est au détriment des formations universitaires, que les étudiants désertent de plus en plus, et cela tout particulièrement pour les études scientifiques. Le secteur non universitaire de l'enseignement supérieur offre des formations techniques et professionnelles, parfois de qualité, mais parfois aussi très médiocres. Même si la situation évolue depuis quelques années pour sa fraction supérieure (les « grandes écoles »), ce secteur n'a pas vocation à développer la recherche et à donner des outils de culture et de pensée, et guère les moyens humains et scientifiques de le faire. C'est dans les universités que l'on trouve la grande majorité des savants, des chercheurs et des professionnels de la pensée. Pourtant, alors qu'on évoque l'émergence d'une « société de la connaissance », nos universités ont de moins en moins d'étudiants et ceux-ci sont rarement les meilleurs. Une telle situation est absurde. Dans aucun pays au monde l'Université n'est ainsi le maillon faible de l'enseignement supérieur.

    Le processus engagé depuis déjà plusieurs décennies ne conduit pas à la réforme de l'Université française, mais à son contournement. Il ne s'agit pas en disant cela de dénoncer un quelconque complot, mais de prendre acte de la dynamique d'un système à laquelle chacun contribue par ses « petites décisions » ou par sa politique : les étudiants, leurs familles, les lycées, publics et privés, les entrepreneurs d'éducation, les collectivités locales et, in fine, l'État lui-même. Le déclin de l'Université, matériel, financier et moral, est désormais bien trop avancé pour qu'on puisse se borner à repousser les réformes proposées. Si des solutions susceptibles de réunir un très large consensus parmi les universitaires et les chercheurs mais aussi au sein de l'ensemble de la société française ne sont pas très rapidement formulées, la catastrophe culturelle et scientifique sera consommée. Or de qui de telles propositions pourraient-elles procéder sinon des universitaires eux-mêmes ? C'est dans cet esprit que les signataires du présent manifeste, très divers dans leurs choix politiques ou idéologiques, y compris dans leur appréciation de la loi LRU, ont tenté d'identifier les points sur lesquels un très large accord pouvait réunir tous les universitaires responsables et conscients des enjeux. L'enjeu n'est rien moins que de refonder l'Université française en la replaçant au centre de l'enseignement supérieur.

     

    Propositions

    1. Quant à la place de l'Université

    Une des principales raisons du marasme de l'Université française est qu'elle se trouve en situation de concurrence déloyale avec tout le reste du système d'enseignement supérieur (classes préparatoires et de BTS, IUT, écoles de tous types et de tous niveaux), toutes institutions en général mieux dotées per capita et davantage maîtresses du recrutement de leur public. On touche là à un des non-dits récurrents de toutes les réformes qui se sont succédé en France. Cette situation est d'autant plus délétère que la gestion de l'enseignement supérieur dans son ensemble dépend d'autorités ministérielles et administratives distinctes (l'enseignement secondaire pour les classes préparatoires et les STS, les ministères sectoriels pour les écoles professionnelles diverses), voire échappe à tout contrôle politique. Imagine-t-on un ministère de la Santé qui n'ait que la tutelle des hôpitaux publics ! La condition première d'une refondation de l'Université est donc que le ministère de l'Enseignement supérieur exerce une responsabilité effective sur l'ensemble de l'enseignement supérieur, public ou privé, généraliste ou professionnel. C'est à cette condition impérative qu'il deviendra possible d'établir une véritable politique de l'enseignement supérieur en France et de définir la place qui revient à l'Université dans l'ensemble de l'enseignement supérieur.

    Plus spécifiquement, un tel ministère aura pour mission première de créer un grand service public propédeutique de premier cycle réunissant (ce qui ne veut pas dire normalisant dans un cycle uniforme) IUT, BTS, classes préparatoires et cursus universitaires de licence. Il lui faudra également procéder à une sorte d'hybridation entre la logique pédagogique des classes supérieures de l'enseignement secondaire et des écoles professionnelles d'une part, et celle des universités d'autre part ; c'est-à-dire introduire davantage l'esprit de recherche dans les premières et, symétriquement, renforcer l'encadrement pédagogique dans les secondes.


    2. Quant aux missions de l'Université

    La mission première de l'Université est de produire et de transmettre des savoirs à la fois légitimes et innovants. Assurément, d'autres missions lui incombent également. Elle ne peut notamment se désintéresser de l'avenir professionnel des étudiants qu'elle forme. Elle est par ailleurs responsable de la qualité de la formation initiale et continue qu'elle délivre et de la transmission des moyens intellectuels, scientifiques et culturels à-même d'assurer une citoyenneté démocratique éclairée.

    Deux principes doivent commander l'articulation entre ces différentes missions : d'une part, le souci primordial de la qualité et de la fiabilité des connaissances produites et transmises ; d'autre part, la distinction nécessaire entre missions des universités et missions des universitaires, soit entre ce qui incombe à l'établissement considéré globalement et ce qui incombe individuellement aux enseignants-chercheurs et chercheurs.

    Parce qu'une université doit être administrée, pédagogiquement et scientifiquement, et se préoccuper de la destinée professionnelle de ses étudiants, il est nécessaire qu'elle dispose en quantité et en qualité suffisante de personnels administratifs et techniques spécialisés dans ces tâches. Il incombe en revanche à des universitaires volontaires d'en assurer le pilotage. D'importantes décharges de service d'enseignement doivent alors leur être octroyées.

    Quant au service d'enseignement lui-même, sauf heures complémentaires librement choisies, il ne saurait excéder les normes précédemment en vigueur. De même, le régime d'années ou semestres sabbatiques de recherche, qui est la norme dans toutes les universités du monde, doit être à la hauteur de la vocation intellectuelle de l'Université, et non plus géré de façon malthusienne.


    3. Quant aux cursus

    Il convient de distinguer clairement l'accès à l'enseignement supérieur pour les bacheliers et l'accès aux masters.

    En ce qui concerne l'entrée en licence, il convient de rappeler que le principe du libre accès de tout bachelier à l'enseignement supérieur est, en France, un des symboles mêmes de la démocratie, le pilier d'un droit à la formation pour tous. Il n'est ni possible ni souhaitable de revenir sur ce principe. Mais il n'en résulte pas, dans l'intérêt même des étudiants, que n'importe quel baccalauréat puisse donner accès de plein droit à n'importe quelle filière universitaire. Pour pouvoir accueillir à l'Université les divers publics issus des baccalauréats, il faut y créer aussi des parcours différenciés. Seule une modulation des formations pourra permettre de concilier les deux versants de l'idéal universitaire démocratique : l'excellence scientifique, raison d'être de l'Université, et le droit à la formation pour tous, qui la fonde en tant que service public. Il convient donc à la fois de permettre une remise à niveau de ceux qui ne peuvent accéder immédiatement aux exigences universitaires par exemple en créant des cursus de licence en 4 ans , et de renforcer la formation pour d'autres publics, par exemple en créant des licences bi-disciplinaires qui incarnent une des traductions concrètes possibles de l'idéal d'interdisciplinarité, si souvent proclamé et si rarement respecté. Il convient du même coup que l'Université puisse sélectionner ses futurs étudiants selon des modalités diverses, permettant d'identifier les perspectives d'orientation des étudiants et d'y associer un cursus adapté.

    Une telle modification des règles du jeu universitaire ne peut toutefois être introduite sans qu'elle s'accompagne d'une amélioration substantielle de la condition étudiante en termes de financement et de conditions de travail. Le refus actuel de regarder en face la variété des publics étudiants conduit en effet à leur paupérisation et à la dégradation de leur situation matérielle et intellectuelle au sein des Universités. L'idée d'un capital minimum de départ attribué à chaque étudiant mérite à cet égard d'être envisagée.

    En ce qui concerne les études de master, il est, de toute évidence, indispensable d'instaurer une sélection à l'entrée en première année et non en deuxième année, comme c'est le cas actuellement en application de la réforme des cursus de 2002 qui a créé le grade de master (système « LMD »). La rupture ainsi introduite au sein du cycle d'études de master a d'emblée fragilisé ces nouveaux diplômes, en comparaison des anciens DEA et DESS qu'ils remplaçaient. Il faut également supprimer la distinction entre masters professionnels et masters recherche qui conduit paradoxalement à drainer vers les cursus professionnels les meilleurs étudiants, ceux qui seraient précisément en mesure de mener des études doctorales.


    4. Quant à la gouvernance

    Tout le monde s'accorde sur la nécessaire autonomie des universités. Mais ce principe peut être interprété de manières diamétralement opposées. Sur ce point la discussion doit être largement ouverte, mais obéir à un double souci. D'une part, il convient de ne pas confondre autonomie de gestion (principalement locale) et autonomie scientifique (indissociable de garanties statutaires nationales). D'autre part, pour assurer la vitalité démocratique et scientifique des collectifs d'enseignants-chercheurs, qui forment en propre l'Université, il est indispensable de concevoir des montages institutionnels qui assurent au corps universitaire de réels contre-pouvoirs face aux présidents d'Université et aux conseils d'administration, ce qui suppose des aménagements significatifs de la loi LRU. Il faut, en somme, redonner au principe de la collégialité universitaire la place déterminante qui lui revient et qui caractérise l'institution universitaire dans toutes les sociétés démocratiques. Le renouveau de ce principe de collégialité doit aller de pair avec une réforme du recrutement des universitaires qui permette d'échapper au clientélisme et au localisme.

    Par ailleurs il est clair que l'autonomie ne peut avoir de sens que pour des universités qui voient leurs ressources augmenter et qui n'héritent pas seulement de dettes. En ce qui concerne la recherche, cela signifie que les ressources de financement proposées sur appels d'offre par les agences ne soient pas prélevées sur les masses budgétaires antérieurement dédiées aux subventions de financement des laboratoires, mais viennent s'y ajouter. De manière plus générale, en matière de recherche, il convient de mettre un terme à la concurrence généralisée entre équipes, induite par la généralisation du financement contractuel, lequel engendre souvent un véritable gaspillage des ressources, en garantissant aux laboratoires un certain volume de soutien financier inconditionnel accordé a priori et évalué a posteriori, notablement plus important qu'il ne l'est aujourd'hui.

     

    Conclusion

    Bien d'autres points mériteraient assurément d'être précisés. Mais les principes énoncés ci-dessus suffisent à dessiner les contours d'une Université digne de ce nom. Nous appelons donc tous ceux de nos collègues et nous espérons qu'ils représentent la très grande majorité de la communauté universitaire et scientifique à nous rejoindre en signant ce Manifeste à l'adresse internet suivante. Celui-ci pourrait servir de point de départ à une véritable négociation, et non à des simulacres de concertation, et être à la base d'une auto-organisation d'États généraux de l'Université.

     


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  • Wendelin Werner est professeur de mathématiques à l'Université Paris-Sud (Orsay) et à l'Ecole Normale Supérieure. Il est titulaire de la médaille Fields 2006 et est membre de l'Académie des sciences.

    http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/02/18/monsieur-le-president-vous-ne-mesurez-peut-etre-pas-la-defiance-par-wendelin-werner_1157067_3232.html

     «Je ne pensais pas un jour me retrouver dans la situation qui est la mienne aujourd'hui, à savoir écrire une lettre ouverte au président de la République française : ce qui m'intéresse avant tout, et ce à quoi j'ai choisi de consacrer ma vie professionnelle, c'est de réfléchir à des structures mathématiques, d'en parler avec mes collègues en France et à l'étranger et d'enseigner à mes étudiants. J'ai eu le privilège de voir mes travaux aboutir et récompensés par un prix important. Cela me donne une certaine responsabilité vis-à-vis de ma communauté et me permet aussi d'être un peu plus écouté par les médias et le pouvoir politique.

    Comme le montre le sociologue allemand Max Weber dans son diptyque Le Savant et le Politique, auquel Barack Obama s'est d'ailleurs implicitement référé dans son discours d'investiture, nous devons partager une même éthique de la responsabilité. C'est au nom de celle-ci que je m'adresse aujourd'hui à vous.

    Vous ne mesurez peut-être pas la défiance quasi unanime à votre égard qui s'installe dans notre communauté scientifique. L'unique fois où nous avons pu échanger quelques mots, vous m'avez dit qu'il était important d'arriver à se parler franchement, au-delà des divergences, car cela fait avancer les choses. Permettez-moi donc de nouveau de m'exprimer, mais de manière publique cette fois.

    Je m'y sens aussi autorisé par l'extrait suivant du discours que vous aviez prononcé il y a un an lors de votre venue à Orsay pour célébrer le prix Nobel d'Albert Fert : "La tâche est complexe, et c'est pourquoi j'ai voulu m'entourer des plus grands chercheurs français, dont vous faites partie, pour voir comment on pouvait reconfigurer notre dispositif scientifique et lui rendre le pilotage le plus efficace possible. Je les consulterai régulièrement, ces grands chercheurs, et je veux entendre leurs avis." Je vous donne donc mon avis, sans crainte et en toute franchise.

    Votre discours du 22 janvier a, en l'espace de quelques minutes, réduit à néant la fragile confiance qui pouvait encore exister entre le milieu scientifique et le pouvoir politique. Il existait certes, déjà, une réaction hostile d'une partie importante de notre communauté aux différents projets mis en place par votre gouvernement et leur motivation idéologique. Mais c'est uniquement de votre discours et de ses conséquences dont je veux parler ici.

    Tous les collègues qui l'ont entendu, en direct ou sur Internet, qu'ils soient de droite ou de gauche, en France ou à l'étranger (voir la réaction de la revue Nature), sont unanimement catastrophés et choqués. De nombreuses personnes présentes à l'Elysée ce jour-là m'ont dit qu'elles avaient hésité à sortir ostensiblement de la salle, et les réactions indignées fleurissent depuis.

    Rappelons que vous vous êtes adressé à un public comprenant de nombreux scientifiques dans le cadre solennel du palais de l'Elysée. Je passerai sur le ton familier et la syntaxe approximative qui sont de nature anecdotique et ont été suffisamment commentés par ailleurs. Lorsque l'on me demande à quoi peut servir une éducation mathématique au lycée pour quelqu'un dont le métier ne nécessitera en fait aucune connaissance scientifique, l'une de mes réponses est que la science permet de former un bon citoyen : sa pratique apprend à discerner un raisonnement juste, motivé et construit d'un semblant de raisonnement fallacieux et erroné.

    La rigueur et le questionnement nécessaires, la détermination de la vérité scientifique sont utiles de manière plus large. Votre discours contient des contrevérités flagrantes, des généralisations abusives, des simplifications outrancières, des effets de rhétorique douteux, qui laissent perplexe tout scientifique. Vous parlez de l'importance de l'évaluation, mais la manière dont vous arrivez à vos conclusions est précisément le type de raisonnement hâtif et tendancieux contre lequel tout scientifique et évaluateur rigoureux se doit de lutter.

    Nous sommes, croyez-moi, très nombreux à ne pas en avoir cru nos oreilles. Vous, qui êtes un homme politique habile, et vos conseillers, qui connaissent bien le monde universitaire, deviez forcément prévoir les conséquences de votre discours. Je n'arrive pas à comprendre ce qui a bien pu motiver cette brutalité et ce mépris (pour reprendre les termes de Danièle Hervieu-Léger, la présidente du comité que vous avez mis en place ce jour-là), dont l'effet immédiat a été de crisper totalement la situation et de rendre impossible tout échange serein et constructif. De nombreux étudiants ou collègues de premier plan, écoeurés, m'ont informé durant ces quinze derniers jours de leur désir nouveau de partir à l'étranger. J'avoue que cela m'a aussi, un très court instant, traversé l'esprit en écoutant votre intervention sur Internet.

    Le peu de considération que vous semblez accorder aux valeurs du métier de scientifique, qui ne se réduisent pas à la caricature que vous en avez faite - compétition et appât du gain -, n'est pas fait pour inciter nos jeunes et brillants étudiants à s'engager dans cette voie. La ministre et vos conseillers nous assurent depuis plus d'un an que vous souhaitez authentiquement et sincèrement aider la recherche scientifique française. Mais vous n'y parviendrez pas en l'humiliant et en la touchant en son principe moteur : l'éthique scientifique.

    Comme vous l'expliquez vous-même, la recherche scientifique doit être une priorité pour un pays comme la France. En l'état actuel des choses, il ne semble plus possible à votre gouvernement de demander à la communauté scientifique de lui faire confiance.

    De nombreux collègues modérés et conciliants expriment maintenant leur crainte d'être instrumentalisés s'ils acceptent de participer à une discussion ou à une commission. Les cabinets de la ministre de la recherche et du premier ministre ont certainement conscience de l'impasse dans laquelle vous les avez conduits. J'ai essayé de réfléchir ces derniers jours à ce qui serait envisageable pour sauver ce qui peut encore l'être et sortir de l'enlisement actuel.

    Un début de solution pourrait être de vous séparer des conseillers qui vous ont aidé à écrire ce discours ainsi que de ceux qui ne vous ont pas alerté sur les conséquences de telles paroles. Ils sont aussi responsables de la situation de défiance massive dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, et que votre intervention du 22 janvier a cristallisée.

    Ils ont commis, à mon sens, une faute grave et c'est votre propre dogme que toute faute mérite évaluation et sanction appropriée. Cela permettrait à notre communauté de reprendre quelque espoir et de travailler à améliorer notre système dans un climat apaisé, de manière moins idéologique et plus transparente.

    Il est, pour moi, indispensable de recréer les conditions d'un véritable dialogue. L'organisation de la recherche et de l'enseignement supérieur est certes un chantier urgent mais, comme vous l'aviez noté il y a un an, il est d'une extrême complexité. Sa réforme demande de l'intelligence et de la sérénité. Il n'appartient qu'à vous de corriger le tir. »

    impossible de rien ajouter après cette lettre qui donne une illustration fidèle de la noblese de l'esprit ! c'est beau ! et ce n'est pas "mérité" par le "destinataire" ! mais peu importe ! la confiance est définitivement brisée entre le monde de l'esprit (pas seulement de la science) et celui du "pouvoir", ou même de l'économie, mais peu importe !

    seule compte la vérité, alliée à la beauté , c'est à dire ici à la simplicité des moyens  utilisés : on sent à l'oeuvre l'ascétique formelle des "mathématiques sévères"! et nous en avons là un exemple éternel !


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  •  Objet: Recrutement par substitution
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    >  Derrière la réforme des concours de l'enseignement (la masterisation) surgit, comme vous le savez, un problème extrêmement grave, qui lui est intimement lié, et que nous ne faisons qu'effleurer en considérant la situation des "reçus-collés" : toutes les "réformes" en cours visent de fait la disparition des titulaires bien formés, à tous les étages, de la maternelle à l'université.
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    >  Vous trouverez confirmation de cette politique parfaitement assumée, sur le site du rectorat de Versailles, site qui avoue ouvertement recruter "toute l'année" des "enseignants non titulaires" dans toutes nos disciplines, au moment même où le nombre de postes au concours fond dramatiquement, et où l'on supprime des postes de titulaires, au prétexte qu'il y aurait trop d'enseignants en France (13500 cette année, etc.): http://www.ac-versailles.fr/rh/nontitulaires.htm
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    > Divers collègues de Nanterre ont été contactés le mois dernier par les "ressources humaines" du rectorat pour inciter leurs étudiants "bac + 3" à postuler, "en urgence". Je viens d'apprendre que la même chose a eu lieu dans l'Académie d'Orléans. Oseront-ils bientôt nous proposer des "primes" pour cela aussi, afin de nous faire passer du statut de juré de concours à celui de sergent recruteur ?
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    >  - Pour devenir prof de collège, aujourd'hui, il suffit donc d'être "étudiant bac +3". Il est simplement demandé d'avoir un casier judiciaire vierge. Il y a plus de postes que de candidats.
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    >  - Le salaire est de 34,5 euros bruts par heure de cours effective devant les élèves (soit environ 8 euros bruts de l'heure "réelle", si l'on considère que l'étudiant-enseignant doit quand même préparer son cours, corriger ses copies, recevoir les parents, etc.). A charge pour les collègues, bénévolement et en plus de leurs charges toujours accrues, de l'encadrer comme ils pourront. Mais prof, au fond, est-ce vraiment un métier ?...
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    >  Il s'agit donc bien de remplacer des enseignants formés, par des "étudiants-enseignants" appelés à faire un petit boulot pour payer leurs études. Quid de l'engagement, du professionnalisme, de l'expérience, de l'investissement personnel, etc. ?
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    >  En affaiblissant ainsi le service public sous couvert de "bonne gestion", en mettant devant des élèves des enseignants de plus en plus nombreux sans formation, sans motivation, et sans avenir, le gouvernement a l'ambition de favoriser une migration encore plus rapide des élèves vers les établissements privés. Parallèlement, l'Etat pourra se désengager d'écoles de plus en plus "autonomes", dans lesquelles il n'y aura de toute façon que des enfants de pauvres - autant dire personne. Il sera bientôt possible de laisser pourrir, encore plus (si la chose est possible), les écoles ghettos, tandis que prospèreront les officines privées et autres institutions respectables - mais payantes...
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    >  Avec un salaire d'enseignant titulaire en fin de carrière, on peut recruter deux gardiens de prison : opération blanche.
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    >  L'opinion doit être informée du carnage qui est en marche. Rapidement.
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  • Lettre à Xavier Darcos, Citoyen, futur ancien Ministre de la République
    Le 13 février 2009
    (merci de diffuser le plus largement possible autour de vous)

    Pour co-signer cette lettre à Xavier Darcos avec les premiers signataires, rendez-vous ici

    Monsieur,

    Le 12 février, sur la radio RMC, vous avez déclaré ceci :

    Il n¹y a « aucune raison aujourd¹hui objectivement [de repousser la réforme de la formation et du recrutement des enseignants à 2011, comme le demande le bureau de la Conférence des Présidents d¹Universités]. D¹ailleurs, on me dit "les universités ne voudront pas préparer les étudiants à cela" ; vous savez, moi je recrute 14 000 personnes ; on va les trouver les gens pour passer nos concours. Et aujourd¹hui, un professeur sur deux qui est recruté par moi , n¹est déjà pas passé par des systèmes de formation des maîtres. Il a tout simplement une licence ou une maîtrise, et il se présente à nos concours et il les a. Donc moi je n¹ai pas absolument besoin d¹entrer dans des discussions sibyllines avec les préparateurs à mes concours. Je suis recruteur . Je définis les concours dont j¹ai besoin . Je garantis la formation professionnelle des personnels que je recruterai . Après, chacun nous suit, ou pas. »

    Ces propos sont inadmissibles.

    Votre indifférence proclamée envers les demandes formulées par le bureau de la Conférence des Présidents des Universités, par la Coordination Nationale des Universités, par des conseils d¹administration, des étudiants, des enseignants et des enseignants-chercheurs, des associations d¹universitaires, des syndicats, des parents d¹élèves est inadmissible. 

    Le cynisme avec lequel vous avouez ouvertement que peu vous importe qu¹il y ait ou non au sein du service public des préparations aux concours de recrutement des enseignants du service public est inadmissible. 

    Cette porte grande ouverte aux préparations par des organismes privés à ces mêmes concours est inadmissible.

    Surtout, il est inadmissible que vous prétendiez être le recruteur, inadmissible que vous asséniez neuf fois en quelques phrases l¹idée que c¹est vous qui recrutez, vous qui définissez, vous qui avez besoin, et que ces concours sont les vôtres.

    Monsieur, ces propos sont ceux d¹un chef d¹entreprise. Il relève d¹une logique qui est celle du privé. Mais vous n¹êtes pas chef d¹entreprise, l¹école n¹est pas une société par actions dont vous seriez le président-directeur général. Vous êtes vous-même au service du recruteur et de l¹employeur, qui ne coïncide pas avec votre personne, aussi remarquable puisse-t-elle être : le recruteur et l¹employeur, c¹est l¹Éducation Nationale, c¹est l¹école de la République, c¹est l¹école de tous les citoyens, de tous les contribuables, de tous les électeurs, de tous les parents d¹élèves, de tous les habitants de ce pays. Vous n¹êtes pas doté des pleins pouvoirs. Vous êtes au service des citoyens de ce pays, vous êtes au service de la France. 

    Monsieur, ces propos vous disqualifient et vous déshonorent. Ils revèlent une confiscation de la res publica, de la chose publique, par un individu. Ils révèlent que vous vous considérez comme le dépositaire unique de la légitimité, dans un domaine qui relève de la volonté populaire. Ils révèlent que vous confondez votre position actuelle de Ministre avec un pouvoir que personne n¹a le droit de vous contester, un pouvoir absolu. Vos propos rappellent, Monsieur, le basculement de la démocratie vers une personnalisation tyrannique du pouvoir dont l¹histoire a donné maints exemples. Ils sont inacceptables pour tout républicain authentique, de Jules Ferry au Général de Gaulle. 

    Vous ne teniez votre légitimité de Ministre, Monsieur, que de l¹expression de la volonté populaire. La volonté populaire ne vous a pas donné mandat de détruire au nom de la république un système fondé sur les valeurs de la république

    Nous vous accusons, Monsieur, d¹indignité républicaine. L¹école n¹est pas votre propriété. Par vos propos, vous vous êtes montré inapte à assumer vos responsabilités républicaines et le mandat qui vous a été confié par le peuple français. Vous avez révélé que vous méprisiez et ne compreniez pas l¹essence même de votre fonction de Ministre.

    En tant que citoyens, électeurs, contribuables, parents d¹élèves, habitants de ce pays, nous ne reconnaissons plus la légitimité morale et républicaine de la position que vous occupez.

    Nous exigeons votre démission.

    Pour co-signer cette lettre à Xavier Darcos avec les premiers signataires, rendez-vous ici


    Plus sérieux dans la forme : 


    Déclaration commune Conférence des Présidents d'Université et Conférence des Directeurs d'IUFM - Réaction aux propos mal informés de Xavier Darcos sur RMC, le 12 février 2009 (13 février 2009)



    La CPU et la CDIUFM dénoncent les contre-vérités des déclarations du Ministre de l¹éducation nationale et le caractère méprisant de ses propos, tout en rappelant leur attachement commun à une formation des maîtres de qualité sanctionnée par un diplôme de master.

    Les présidents d¹université et les directeurs d¹IUFM considèrent que les propos du Ministre insultent tous les personnels aujourd¹hui engagés dans une formation des maîtres qui répond à un cahier des charges national et qui est évaluée par une commission nationale présidée par un recteur.

    Cette formation fait alterner des activités de formation et d¹enseignement avec : un stage en responsabilité dans un des cycles de l¹école primaire d¹une durée de trente jours, à raison d¹un jour par semaine et deux stages en responsabilité de trois semaines chacun dans les autres cycles de l¹école primaire, pour les professeurs des écoles ; un stage en responsabilité représentant de 6 à 8 heures par semaine en collège ou en lycée pour les enseignants du second degré.

    Il est donc totalement mensonger de prétendre que « temps à autre, ils vont remplacer un professeur absent » et de comparer cette formation à une vulgaire simulation de vol. Les présidents d¹université et les directeurs d¹IUFM rappellent que le ministère de l¹éducation nationale n¹a pas apporté toutes les réponses qu¹il s¹était engagé en septembre à fournir très rapidement, que les maquettes des concours n¹ont été connues qu¹en décembre et les premières modalités de stage à la mi-janvier.

    Ces délais tardifs et ces imprécisions ont largement contribué à empêcher un travail serein sur les programmes de masters.

    Présidents d¹université et directeurs d¹IUFM réaffirment ensemble leur attachement de fond à une formation des enseignants universitaire et professionnalisée et ne considèrent pas qu¹une réflexion collective et approfondie sur la formation des maîtres du 21ème siècle relève d¹une « discussion sibylline ».


    DARCOS : PROPOS «INSULTANTS» ET «INDIGNES» SELON LES SYNDICATS 
    13
    févr. 
    2009


    Les déclarations de Xavier Darcos hier soulèvent une vague d'indignations. Le ministre de l¹Education Nationale a peut être réussi le même exploit que Nicolas Sarkozy dans son discours du 22 janvier : mettre le feu à la poudrière.
    Le ministre s'exprimait sur la «mastérisation», c'est à dire la transformation des concours de recrutement des enseignants qui provoque une veritable crise. La plupart des Conseils d¹Université concernés ont voté le refus d¹envoyer au ministère de Valérie Pécresse les «maquettes», le descriptif des nouveaux cursus de préparation des concours.
    En ce moment même se tient une manifestation de «non remise» de ces maquettes devant le ministère. La CPU elle même, la Conférence des Présidents d'Université, jusqu'alors plutôt encline a suivre le gouvernement, vient de demander le report d'un an de cette réforme afin de la retravailler.
    C'est dans cette ambiance explosive que Xavier Darcos a cru bon d'en rajouter par des déclarations incendiaires. «Aujourd'hui (...) les professeurs passent un concours, ils sont mis dans l'Institut de formation des maîtres, où on leur apprend des théories générales sur l'éducation et de temps à autre, ils vont remplacer un professeur absent. C'est pas comme ça qu'on forme des gens. Autrement dit, ils sont sans arrêt devant un simulateur de vol. Alors que dans le système que je propose, ils ne seront pas dans un simulateur de vol».
    Quant au refus des Universités d'envoyer les maquettes, il s¹est fait méprisant : «Moi, je n'ai pas absolument besoin d'entrer dans des discussions sibyllines avec les préparateurs à mes concours (les universités, ndlr). Je suis recruteur. Je définis les concours dont j'ai besoin.» Menaçant même les Universités de se passer d'elles pour la préparation à ces concours, ce qui semble pour le moins étrange.
    Pour le Snesup, ces propos sont «indignes d'un ministre de la République car ils traduisent une grave
    méconnaissance de la réalité au sein du monde éducatif». Concernant les maquettes de masters en préparation, les propos du ministre sont «un affront au travail fait dans des conditions de précipitation que vous tentez d'imposer. Vos propos affichent un mépris pour les universitaires sans précédent dans l'histoire récente de notre République. Cet anti intellectualisme rappelle les pires heures de l'histoire de France.»
    Le Sgen-CFDT a lui aussi fustigé les propos tenus par Xavier Darcos estimant qu'ils étaient «insultants», «stupéfiants» et «scandaleux». «Non, les professeurs stagiaires ne se contentent pas de remplacer de temps à autre un professeur absent. M. Darcos le sait, les professeurs stagiaires en collèges et lycées sont devant des élèves en toute responsabilité, huit heures par semaine les instituteurs stagiaires le sont un jour par semaine pendant trente semaines et six semaines complètes par an». Le ministre sait bien «qu¹en lieu et place de théories générales de l¹éducation, ils doivent se confronter à la rude réalité d¹un métier de plus en plus difficile, avec l¹appui de leurs tuteurs». Selon lui, c'est au contraire la réforme proposée à partir de 2010 par M. Darcos «qui peut conduire à un simulateur de vol pendant la formation en master parce qu¹il ne veut pas financer une vraie formation en alternance», et que donc «la première année de pratique professionnelle (...) sera pour de nombreux débutants une épreuve insurmontable et traumatisante». «C'est le gouvernement lui-même qui est en train d¹inventer ce dont il impute la responsabilité aux instituts universitaires de formation des maîtres.» 


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  • Marcel Gauchet: «Le gouvernement est en train de trucider la recherche»

    Dans le cadre de l'opération «Changeons le programme», le philosophe Marcel Gauchet a tenu des propos virulents contre la réforme universitaire, pourfendant «la gravité de ces pseudo réformes irresponsables imaginées par l¹actuel gouvernement et ses sbires du monde universitaire».

    Marcel Gauchet à l'EHESS

    Durant une longue conférence de près de deux heures à l¹Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Marcel gauchet a prononcé un réquisitoire argumenté contre le programme de réforme gouvernemental des universités.

    L¹auteur du désenchantement du monde s¹estimant en « état de légitime défense pour une certaine idée du savoir et de la réflexion » a énuméré les motifs de l¹anesthésie de la pensée de notre monde. Anesthésie dont le néolibéralisme est la théorisation de l¹inutilité d¹un certain savoir, phénomène paradoxal de désintellectualisation par l¹avènement d¹une société du savoir : « Le néolibéralisme accompagne un mouvement profond de nos sociétés qui les détournent de l¹ambition de se penser au nom d¹une connaissance qui se substituerait avantageusement à cette exigence ». Marcel Gauchet décrit ainsi une indigence intellectuelle, une forme de placidité végétative qui se révélera  peu efficace face à la situation difficile traversée par nos sociétés.

    Une réforme profondément « toxique »

    Revenant sur la réforme des universités, Gauchet ne retient pas ses coups, la qualifiant de profondément « toxique ». S¹attardant sur la question de l¹évaluation des travaux des chercheurs, il estime que la « crise financière témoigne d¹une crise du jugement. Du point de vue des instruments de calculs et d¹évaluations des différents acteurs financiers, tout allait bien, sauf qu¹il existait d¹énormes failles dans le paysage pas du tout impossibles à discerner puisque quelques bons observateurs en avaient fait le diagnostic. Sauf que ces instruments de calculs interdisaient de prendre en compte ces réalités, d¹où le souverain mépris des économistes officiels pour ces avertissements ».

    Du vandalisme politique

    Sans nier les dysfonctionnements du système universitaire français (massification de l¹accès aux universités), le rédacteur en chef de la revue Le Débat dénonce le réformisme de l¹actuel président de la République, l¹absence de diagnostic préalable, et le fétiche brandi de « l¹autonomie ».

    Dans cette méconnaissance des sujets traités par nos politiques, il discerne une forme de cynisme, de méconnaissance et même de vandalisme : « le gouvernement entreprend de démanteler le CNRS mais sans aucune analyse de ce qui ne marche pas, et sans la moindre réflexion stratégique sur les conditions d¹une recherche féconde et efficace. Nous avons affaire à une alliance du lobby industrialo-universitaire de la recherche appliquée et de l¹administration centrale pour installer un système de pilotage de la recherche. Or la recherche, cela s¹aide mais cela ne se pilote pas, ce qui est exigé c¹est la souplesse, la réactivité. Nous avons affaire à une administration qui ne rêve que de trucider la recherche.  L¹important c¹est le mot réforme, ce qu¹elle recouvre, n¹a aucune importance. Cette fois-ci on l¹appelle autonomie ».

    Le chassement de Shanghaï : traumatisme pour nos élites de bons élèves

    Le philosophe s¹amuse alors d'un événement burlesque, « un séisme pour nos élites de bons élèves qu¹a provoqué la publication du classement de Shanghai en 2003. Traumatisme que de découvrir que les établissements, dont ils étaient fiers d¹avoir été, occupaient des places pitoyables. Nous subissons le choc de cette découverte. Les politiques universitaires sont entièrement guidés par l¹obsession de laver l¹affront et de remonter dans le classement de Shanghai sans la moindre réflexion publique sur la signification de ce classement, sur ses biais et les problèmes posés par ce classement ».

    Le système le plus performant du mondeŠ

    Marcel Gauchet n¹hésite d¹ailleurs pas à affirmer que le système universitaire français est le plus performant du monde « parce qu¹il produit le plus avec le moins de moyens, ce qui ne veut pas dire que la performance finale est optimale mais nous soutenons très honorablement la comparaison avec nos collègues américains alors qu¹en termes de moyens nous devrions être quelque part au niveau du Burkina Fasso. Il demeure donc une vraie compétitivité de ce système quels que soient ses défauts ».

    Avant de conclure en pointant l¹un des défauts majeurs du système américain, souvent présenté en exemple par ces élites surdiplômées. « Il est incapable de se reproduire par lui même mais ne survit que par le débauchage d¹élites étrangères ».

    CONFERENCE AUDIO : http://www.marianne2.fr/Marcel-Gauchet-Le-gouvernement-est-en-train-de-trucider-la-recherche-_a175017.html?preaction=nl&id=5908147&idnl=25602 <http://www.marianne2.fr/Marcel-Gauchet-Le-gouvernement-est-en-train-de-trucider-la-recherche-_a175017.html?preaction=nl&id=5908147&idnl=25602>

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