• Redresser l'esprit

    "Il ne s'agit plus pour l'homme de se soustraire à la condition de l'homme. Le sentiment de notre éternité intime n'empêche pas l'individu de mourir, pas plus que l'intelligence du soleil astronomique n'empêche le savant de voir les apparences du soleil sensible. Mais, de même que le système du monde est devenu vrai le jour où la pensée a réussi à se détacher de son centre biologique pour s'installer dans le soleil, de même il est arrivé que de la vie qui fuit avec le temps la pensée a fait surgir un ordre du temps qui ne se perd pas dans l'instant du présent, qui permet d'intégrer à notre conscience toutes celles des valeurs positives qui se dégagent de l'expérience du passé, celles là même aussi que notre action réfléchie contribue à déterminer et à créer pour l'avenir. Rien ici qui ne soit d'expérience et de certitude humaines. Par la dignité de notre pensée nous comprenons l'univers qui nous écrase, nous dominons le temps qui nous emporte; nous sommes plus qu'une personne dès que nous sommes capables de remonterà la source de ce qui à nos propres yeux nous constitue comme personne".

    Ces lignes sont extraites de "Raison et religion" de Léon Brunschvicg, qui est, avec "De la vraie et de la fausse conversion", son ouvrage le plus important du point de vue de la conversion religieuse qui est celui de ce blog (par contre pour ce qui est de la philosophie stricto sensu, ce sont plutôt les Etapes de la philosophie mathématique, le Progrès de la conscience dans la philosophie occidentale ou la thèse initiale "Modalité du jugement" qui doivent être privilégiés).

    Ces deux livres, et ce passage de quelques lignes qui en constitue l'un des moments cruciaux, prennent toute leur importance en cette période d'angoisse mortifère où l'humanité se demande où elle va....et surtout si elle va quelque part.

    oui, nous vivons bien cette incarnation du "dernier homme qui sautille en clignant de l'oeil" tel que le décrivait Nietzsche de façon prémonitoire à la fin du 19 ème siècle.

    Et la lecture de Nietzsche, comme celle d'autres "fracasseurs d'idoles", est absolument nécessaire comme préparation à la philosophie en tant que religion, en tant qu'acheminement de la conscience vers le Dieu des philosophes...tant il est vrai que "nous n'aurons pas tout détruit si nous ne démolissons même les ruines".

    Car, en fin de compte, quelle est la cause réelle de tout ce désordre où nous sommes presque noyés, de tout ce nihilisme , ce "convive le plus inquiétant" ?

    elle est d'ordre religieux !

    C'est parce que l'humanité n'a pas su, ni pu, ni d'ailleurs voulu, se libérer du culte des idoles vermoulues, comme l'y invitait Marx, Freud ou Nietzsche, et même à sa façon Husserl, qu'elle s'est enlisée dans un mixte inédit de naturalisme utilitariste et de sentimentalisme humanitaire...le tout bien sûr sous la surveillance, ou complicité, des métaphysiques de la transcendance.

    Redresser l'esprit, rendre au "roseau pensant" sa dignité d'être raisonnable, c'est refuser cet enlisement en réassumant la tâche infinie de l'autonomie de la conscience par la vérité de la science.

    Le Dieu des philosophes et des savants est inconciliable avec les anciens dieux parce que seul il respecte cette dignité de l'esprit, en ceci notamment qu'il ne promet aucun "post mortem" : l'éternité brunschvicgienne ou spinoziste est promise, mais surtout acquise dès "ici bas", là où les concepts de transformation ont un sens.

    il ne s'agit pas de réalisation illusoire dans un "coucouville des nuées" religieux, mais par une compréhension philosophique de ce qu'est le temps.


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