•  Préambule :

    Cet article se situe dans la continuité du précédent, et la photo ci dessus est tirée du film "Bad Lieutnant"

    Sur ce blog nous avons des slogans, dont celui ci, tiré de Brunschvicg, comme tous les autres, et qui définit notre méthode pour l'acheminement de l'âme vers le Dieu des philosophes : l'expansion infinie de l'Intelligence menant (devant mener) à l'absolu désintéressement de l'Amour.

    Mais  : "connais tu bien l'amour, toi qui parles d'aimer ?"

    évidemment non ! car ce que l'on sait faire, on le fait, ce que l'on ne sait pas faire, on en parle.

    Et certes celui qui parle ne sait pas, celui qui sait ne parle pas.

    Nous parlons ici depuis l'Enfer du Non-amour, et de l' ignorance, des ténèbres recouvrant d'autres ténèbres. Et comme l'a dit notre Maitre Satan :

     "Long et difficile est le chemin qui de l'Enfer mène à la Lumière"

    O Seigneur, Seigneur, crevez moi les yeux, que je voie !

    or, si nous les gens du Non-amour (et non les mal-aimés, je ne suis pas Claude François ) nous devons quand même nous former une "image", très imparfaite, de ce que nous désirons atteindre, l'Amour "Maitres des Cieux", je ne vois pas comment s'en former une meilleure  que celle du personnage féminin de "Bad Lieutnant", cette religieuse ignoblement violée mais qui l'instant d'après "a déjà pardonné".

    Ce que bien sûr ne pourront jamais comprendre les gens comme nous, les fils de l'Enfer occidental.

    Mais une image reste une image, ce ne saurait être une pensée. Et celui qui parle ici, le pauvre personnage, ayant bu la goutte de Néant qui manque à la mer,  ne saurait s'agenouiller en compagnie de cette religieuse pour prier...

    pardonnez moi, ma soeur, mais je vous dois la vérité, et donc d'abord la sincérité... et d'ailleurs je ne suis pas digne de vous approcher...

    il va s'en expliquer ici

    ********************************************************************************

    L'universalisme concret, à hauteur de vie , expérience et pensée humaine, que j'entends ici opposer à l'universalisme abstrait qui prévaut dans la mondialisation, il a été magnifiquement dépeint par Brunschvicg dans sa description de l'homme occidental qui figure sur la page de ce blog :

    "L'homme occidental, l'homme suivant Socrate et suivant Descartes, dont l'Occident n'a jamais produit, d'ailleurs, que de bien rares exemplaires, est celui qui enveloppe l'humanité dans son idéal de réflexion intellectuelle et d'unité morale"

    Le terme "enveloppe" est spinoziste, on le trouve dans l'Ethique et l'axiome de la Substance dont l'essence enveloppe l'existence. Mais retenons juste ici que l'humanité n'est pas envisagée comme un ensemble (des humains) mais comme quelque chose qui est de l'ordre de l'idéal, de l'essence, qui a à voir avec une activité, de réflexion intellectuelle et d'unité morale, quelque chose donc qui peut et doit être réalisé par des hommes concrets, vivants.

    On peut dire ceci : le but de la vie de l'homme, c'est de devenir homme, humain, c'est à dire aussi "Dieu" : l'humanisation complète c'est la déification dont parlait Brunschvicg dans l'Idéalisme contemporain, dans le chapitre "Spiritualisme et sens commun" qui a fait l'objet d'un article précédent :

    http://www.blogg.org/blog-76490-billet-atheisme__spiritualisme__philosophie_et_sens_commun_selon_brunschvicg-955910.html

    L'importance de ce chapitre et de ce livre, qui ne saurait être surestimé, vient de ce qu'il offre une définition exacte et précise de l'idéalisme, c'est à dire de la vraie philosophie, et de la vraie science d'ailleurs, comme science des idées...rappelons quelques citations de ce chapitre :

    "mais si l'idéal est la vérité, il est la vie même de l'esprit. L'idéal, c'est d'être géomètre, et de fournir d'une proposition une démonstration rigoureuse qui enlève tout soupçon d' erreur; l'idéal c'est d'être juste, et de conformer son action à la pureté de l'amour rationnel qui enlève tout soupçon d'égoïsme et de partialité.

    Le géomètre et le juste n'ont rien à désirer que de comprendre plus ou de faire plus, de la même façon qu'ils ont compris ou qu'ils ont agi, et ils vivent leur idéal.

    Le philosophe n'est pas autre chose que la conscience du géomètre et du juste; mais il est cela, il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi; le philosophe ouvre l'esprit de l'homme à la possession et à la conquête de l'idéal, en lui faisant voir que l'idéal est la réalité spirituelle, et que notre raison de vivre est de créer cet idéal."

    avec aussi ce que nous pourrions appeler l'alternative pour le temps qui vient :

    "Ou nous nous détachons des idées qui sont en nous pour chercher dans les apparences extérieures de la matière la constitution stable et nécessaire de l'être, nous nous résignons à la destinée inflexible de notre individu, et nous nous consolons avec le rêve dun idéal que nous reléguons dans la sphère de l'imagination ou dans le mystère de l'au delà ;ou bien nous rendons à nos idées mortes leur vie et leur fécondité, nous comprenons qu'elles se purifient et se développent grâce au labeur perpétuel de l'humanité dans le double progrès de la science et de la moralité, que chaque individu se transforme, à mesure  qu'il participe davantage à ce double progrès. Les idées, qui définissent les conditions du vrai et du juste, font à celui qui les recueille et s'abandonne à elles, une âme de vérité et de justice; la philosophie, qui est la science des idées, doit au monde de telles âmes, et il dépend de nous qu'elle les lui donne"

    Cet idéal concret, à hauteur de vie et d'activité humaine, dont la création est notre raison de vivre, et que la philosophie a pour mission de nous permettre, c'est à dire de permettre à tout homme, il peut aussi être appelé "humanité" !

    l'humanité ce n'est pas l'ensemble, ou la collection, de tous les hommes, ou bien de ceux qui méritent d'être appelés "hommes", à l'exclusion de....ceux qui ne le méritent pas : les barbares, les nazis, les terroristes, les racistes , les pédophiles, etc..etc...

    l'humanité repose, est "enveloppée" dans l'idéal concret qui est l'horizon de la philosophie.

    Les conséquences de cette différence sont incalculables !

    Notons d'abord, à la suite de Badiou, que l'humanisme , si du moins il s'appuie sur une définition ensembliste de l'homme, est un nazisme ! (enfin il ne l'a peut être pas dit sous cette forme un peu abrupte). Et c'est aussi un irrationalisme !

    car tout dépend de la définition que l'on donnera de l'homme, et chacun aura la sienne. Et chacun aura donc son "ensemble de non humains" à exterminer donc !

    C'est ainsi qu'au début de "Logique de la philosophie", Eric Weil remarque que personne ne s'accorde sur une définition de l'homme : car l'homme est celui qui donne les définitions (ou qui "nomme" les êtres, selon Genèse 1) !

    C'est bien ce qui arrive avec les islamistes. Sont "hommes" ceux qui sont soumis à Dieu et rentrent dans l'oumma, sont non humains les pervers, les mécréants, ceux qui refusent d'entrer dans l'oumma...et un sort peu enviable attend ces derniers, dans la "cité de Dieu musulmane" enfin réalisée aux dimensions de la Terre.

    Par contre, si l'humanité est "quelque chose" que nous sommes tous appelés à réaliser, alors chaque "homme" (potentiel) est précieux, parce que quoiqu'il ait commis comme crimes dans le passé, il peut encore réaliser cette "humanité".

    Ou ne le peut il pas ? en tout cas il faut pour cela qu'il rompe totalement avec son passé, avec le "vieil homme", dans une "seconde naissance" dont les grands livres de philosophie, comme le "Discours de la méthode", la "Réforme de l'entendement" de Spinoza ou l'Idéalisme contemporain de Brunschvicg, donnent la méthode et l'accès.

    La philosophie s'avère donc être la chose la plus importante de toutes, puisqu'elle seule nous permet de réaliser notre raison de vivre : notre humanité. Mais qu'est ce que la philosophie ? ne sommes nous pas confrontés à la multitude des différents sysèmes, qui s'opposent et se déchirent, et rejetés ainsi dans la confusion, la désorientation et les "ténèbres extérieures" ?

    Or, depuis le "Nul n'entre ici s'il n'est géomètre" de Platon, la philosophie procède d'une affinité, d'une continuité avec la mathématique.

    Cet héritage platonicien, admis par Malebranche, Brunschvicg ou Badiou, il est rééxaminé par le mathématicien-philosophe Jean-Michel Salanskis  dans son ouvrage récent : "Philosophie des mathématiques" (Ed Vrin, collection "Problèmes et controverses") dans un chapitre intitulé : l'héritage platonicien peut il être refusé ?

    Et à cette question Salanskis répond : non !, après avoir examiné la poisiton alternative, celle du refus de l'héritage, qui est celle de Heidegger.

    Je n'ai pas le temps ici de résumer même succinctement la méditation de Salanskis, je le ferai peut être plus tard, mais je précise que je l'accepte sans réserve, et je conseille à tous les lecteurs de lire cette partie de son livre au moins : disons page 1 à 20.

    Or nous allons maintenant constater que la mathématique offre des indications très précises sur la question de l'universel : je me réfère ici à un article de David Ellerman intitulé : "Concrete universals in category theory" :

    http://www.ellerman.org/Davids-Stuff/Maths/Conc-Univ.pdf

    Sa page web contient d'ailleurs un grand nombre d'autres publications, dont pas mal de travaux mathématiques à visée philosophique, qui tous sont extrêmement intéressants de notre point de vue :

    http://www.ellerman.org/Davids-Stuff/AboutDavidEllerman.htm

    Dans son article sur les catégories, Ellerman donne des définitions précises des notions utilisées jusqu'ici, que je m'en vais maintenant résumer.

    Dans la théorie platonicienne des Idées  ou formes (Eidê), toute propriété F donne lieu, est associée à un universel uF qui la représente de manière unique.

    Un objet x a la propriété F si et seulement s'il "participe" à l'universel uF F(x) ↔ x μ uF  ( μ comme "metexis" est le signe de "participer") (condition d'universalité)

    Une théorie mathématique des universaux doit, en plus de cette relation binaire μ être munie d'une relation d'équivalence (cad réflexive , symmétrique et transitive) ≈ telle que l'on ait la condition d'unicité, ou plutôt d'isomorphisme :

    si uF et u'F sont deux universaux associés à la même propriété F alors on doit avoir : uF ≈ u'(condition d'unicité)

    Un universel est dit abstrait s'il ne participe pas à lui même : ¬ ( uF μ uF )

    Il est dit concret s'il participe à lui même :  uF μ uF

    On trouve dans la philosophie, et notamment chez Platon, des universaux des deux espèces, abstraits et concrets. Nous travaillerons ici à faire descendre Platon du Ciel en Terre, dans le même mouvement selon lequel Copernic avait projeté la Terre dans le Ciel : ce qui veut dire ne se soucier que des universaux concrets, à portée d'expérience et de pensée humaine, et "oublier" les formes existant "séparément", dans un monde Intelligible qui ne veut rien dire pour nous. Telle est la leçon que nous retenons de Brunschvicg et de sa réinterprétation de l'idéalisme platonicien (à la suite de Kant) et du pythagorisme (voir là dessus les deux articles à propos de "Spiritualisme et sens commun").

    Or deux théories très générales se présentent à nous en mathématiques, très différentes de par la "relation de participation" qu'elles proposent :

    - la théorie des ensembles, où la relation de participation μ est la relation d'appartenance à un ensemble : ∈ ; x participe à B si et seulement si x appartient, ou est un élément, de l'ensemble B : x ∈ B

    - et la théorie des catégories, où la relation de participation proposée par ellerman est celle de "factorisation unique par un morphisme", intervenant fréquemment pour définir une "construction universelle" (exemple : le produit tensoriel classique d'espaces vectoriels) :

         x participe à y si x,y sont objets d'une catégorie C et s'il existe un morphisme unique μ dirigé de x vers y : 

                                         μ :  x → y

    Or les universaux ensemblistes sont abstraits, car le paradoxe de Russell a encouragé les mathématiciens à éliminer les ensembles qui s'appartiennent à eux mêmes (Badiou les retient dans l'Etre et l'évènement pour formaliser l'évènement justement, soit ce qui n'appartient pas à l'ontologie mathématique "normale" : l'évènement est une rupture du "normal").

    En effet, dans la conception naîve qui régnait avant que Russell ne découvre le fameux paradoxe, à n'importe quelle propriété correspondait un ensemble des objets ayant cette propriété. Dans l'ontologie ensembliste il n'y a qu'un domaine d'objets : les ensembles. Considérons la propriété F :"ne pas s'appartenir à soi même" . Un ensemble X a la propriété F , F(X) si et seulement si :

                                                X ¬ X

         Si l'on admet qu'à toute propriété correspond un universel ensembliste, un ensemble des ensembles ayant cette propriété, alors il existe un ensemble A des ensembles ayant la propriété F, c'est à dire ne s'appartenant pas à eux mêmes.

    Or l'examen de cet ensemble A mène à un paradoxe :  car si A ne s'appartient pas à lui même, il a la propriété F, et donc il appartient à l'ensemble des ensembles qui ont la propriété F, qui n'est autre que lui même, A.

    Si A s'appartient à lui même, alors il appartient à l'ensemble des ensembles qui ne s'appartiennent pas à eux mêmes, et donc il ne s'appartient pas à lui même !

                    Si  A   ∈  A, alors A  ¬∈ A    ; si    A  ¬∈ A  alors   A   ∈  A            

    Pour éviter ces inconsistances on a élaboré plusieurs axiomatiques qui toutes ont d'une façon ou d'une autre "éliminé" les ensembles s'appartenant à eux mêmes. Ce qui veut dire, dans les termes d'Ellerman, qu'on n'a retenu que des ensembles "plus abstraits d'un degré" que leurs éléments : des universels abstraits.

    C'est clair dans la hiérarchisation par la théorie des types.

    Ellerman passe un peu vite sur les autres axiomatisations  : il ne parle que sommairement des "new foundations" de Quine, de ZF (étudiée par Badiou) ou de NBG (Gödel-Von Neumann-Bernays) où l'on distingue ensembles et classes.  Un travail important consiste donc à rééxaminer, du point de vue des théories de l'universel, ces autres axiomatisations, sans oublier d'autres comme les "non well founded sets" d'Aczel.

    Dans la théorie des catégories, la forme même de la condition d'universalité de la participation μ :  x → y

    fait que tout universel y est toujours concret. Ceci est garanti parun des axioems de la théories, qui est l'existence d'un morphisme identité Id pour tout objet u :

                                         Idy :  y → y

          La relation d'équivalence associée est alors l'isomorphisme (le fait pour deux universels correspondant à la même propriété d'être reliés par un isomorphisme de la catégorie, c'est à dire un morphisme inversible à droite et à gauche) ; dans la théorie ensembliste, c'est l'égalité entre ensembles   .

    Il y a encore bien d'autres pistes d'études extrêmement importantes dans cet article "séminal", notamment celle des foncteurs adjoints : l'adjonction est sans doute la notion la plus importante (et la plus difficile) de toute la théorie, et elle lui est spécifique (je ne vois pas comment la développer dans un autre cadre). De plus elle joue un rôle primordial dans la fondation des mathématiques, comme en témoignent les travaux de Lawvere ("Adjointness in foundations") .

    Mais il vaut le coup de revenir sur les notions d'essence et de concrétude dans le cadre  de catégories bien particulières : les treillis P(U) de partie de U,  U étant un ensemble.    

    A et B étant deux ensembles , considérons la propriété F : "être un sous-ensemble à la fois de A et de B"         

    Si X est un ensemble ayant la propriété F, une imperfection de X est un autre ensemble X' ayant la propriété (contenu dans A et dans B ) qui n'est pas contenu dans X (c'est à dire ayant des éléments qui n'appartiennent pas tous à X). Un ensemble Y ayant la propriété et contenant X est dit "plus essentiel" que X.

    Le processus de "filtrage des imperfections", consistant à s'acheminer de plus en plus vers l'essence de la propriété, consiste à former les unions d'ensembles : car si X et X' ont la propriété mais sont des imperfections, alors en prenant l'union : X U X'    on obtient un ensemble qui contient à la fois X et X', et qui a la propriété, donc plus essentiel que X et X'.

    Ce processus possède une limite : c'est le maximum au delà duquel le filtrage ne peut plus rien ajouter, ce qui veut dire que l'essence est atteinte. C'est tout simplement l'intersection de A et de B :  A∩ B .

    Il s'agit de l'essence de la propriété F, d'un universel, et d'un universel concret : car A ∩B ≤ A ∩ B (il est contenu dans lui même).

    Car la forme parait ensembliste, mais le signe de participation est ≤ (inclusion), non plus   ∈ : nous nous situons dans une théorie catégorique (la catégorie étant alors le treillis des partie), non dans une théorie ensembliste.

     Or ce processus de "filtrage des imperfections" peut se généraliser à toutes les catégories .

    Un christianisme de philosophes.   

    Nous pensons   que  ce cadre formel permet de penser (puisque la mathématique est une pensée, non un outil de calcul) l'Incarnation du Christ-Logos, et qu'il s'agit donc du cadre véritable du christianisme véritable, c'est à dire débarrassé des mythologies de la mise en croix, mise au tombeau, de la résurrection des morts, etc... 

    L'Incarnation  du Logos, c'est l'universalisme  concret. Le fait de faire descendre les universaux du ciel intelligible sur la terre des hommes.  

    Et comprendre l'Incarnation importe (ou devrait importer) tout spécialement à ceux qui s'ocupent de sciences : car Alexandre Kojève a démontré que la science moderne est d'origine chrétienne. D'ailleurs les créateurs de cette science (Copernic notamment, Nicolas de Cuse, Descartes, et d'autres) étaient tous de bons catholiques, et leur souci principal était d'achever de libérer le christianisme des résidus de paganisme.

    Kojève montre aussi, par élimination, que c'est le mythe (mais que nous avons pour devoir de démythologiser) de l'Incarnation qui dans le christianisme est le fondement de l'acte fondateur de la science moderne, qui est aussi l'acte "créateur" du Dieu des philosophes et des savants : la projection par Copernic de la Terre dans le ciel, qui aboutit à la situation où il n'y a plus que le ciel, ou que la terre...ni haut ni bas , ni en deça ni au delà.

    Car l'Incarnation est cela seul qui distingue le christianisme des autres monothéismes, parmi lesquels le paganisme philosophique.

    Or ni les païens (gréco-romains), ni les chinois (qui pourtant étaient arrivés à un prodigieux développement technique), ni les juifs , ni les musulmans, n'ont eu la possibilité ni même la volonté, de créer la science moderne, la théorie mathématique universelle du Tout. Pour eux cela aurait été impensable, ou blasphématoire. Ce sont des chrétiens qui ont créé la science moderne, la science véritable, comme transformation de la pensée de l'Incarnation.

    Reprenant ce que nous disions au début, nous retrouvons cette conception de l'incarnation et de l'idéalisme, de l'idéal comme ce qui est le plus concret, et non pas le plus abstrait, chez certains mystiques, comme Angelus Silesius  , quand il dit quelque chose comme (de mémoire ) : si la crucifixion ne se produit pas en toi, alors que t'importe qu'elle se soit produit une fois dans  l'histoire, sur le Golgotha ?  

    Mais les mystiques ne font que pressentir ce que la pensée mathématique permet de savoir rigoureusement .     

    Ce savoir apodictique est que tout homme est appelé à s'humaniser complètement, c'est à dire à devenir le Logos-Christ, et que c'est cela et seulement cela, le Christ, une essence, et non pas un individu unique vivant à une date unique dans le Temps : Jésus-Christ.

    Jésus-Christ est en fait Jésus-NON-Christ.

    Le Christ n'est ni un individu vivant dans le temps (donc ce n'est pas Jésus) , ni une communauté d'individus coexistant dans le Temps, une oumma.

    Le Christ est le Logos, comme horizon de nos tâches infinies qui nous sont imparties par la Raison et elle seule, et non par un Livre soit disant divin ou sacré. Il est, si l'on veut, humanité idéale et divinité tout à la fois, Idéal asymptotique de l' Homme.

     Fils de l'Homme donc, là oui, je suis d'accord...

    il est l'Essence que tout homme est appelé à réaliser en lui même, c'est cela sa raison de vivre.

    Un devoir être, non un être.

    Dieu des philosophes et des savants, et non le Dieu d'Abraham....


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  • Cette rubrique "Mathesis universalis" constitue donc l'aboutissement (assez maigre) des réflexions menées sur les divers blogs portant ce titre.

    Ce nom (en deux mots) possède pour moi une force de fascination que rien ne peut éteindre ; Brunschvicg y verrait sans doute (il y a vu d'ailleurs, on a des passages assez clairs là dessus) une survivance "folklorique" des naïvetés du passé, auxquelles le grand Descartes encore a pu céder (puisque c'est lui, avant Leibniz, et d'un point de vue bien différent) qui a repris ce vieux projet parmi toutes les "pansophies" du Moyen Age pour le transformer en l'idée d'une science une et universelle (ce qui d'ailleurs est à mon avis loin d'être une naïveté) : puisque l'humaine sagesse est une, alors la science doit être une.

    Mais selon Descartes, la raison humaine est certes toute puissante en son empire, mais celui ci est borné de limites infranchissables. Et lorsqu'il aborde aux rives de la métaphysique, avec le Discours et les Méditations, les pensées des Regulae, et avec elles la Mathesis universalis, tombent dans l'oubli définitif (avec d'ailleurs les premiers manuscrits des Regulae, qui seront retrouvés bien plus tard, par une coïncidence presque...miraculeuse). Personne n'a songé à les réveiller depuis...et quant à nous nous ne nous sentons pas de taille pour cela.

    Quoiqu'il en soit, rappelons pour commencer que la visée de cette rubrique n'est pas scientifique mais philosophique, et donc dans notre "langage" religieuse. Mais il pourra s' y trouver des notes très techniques (et très désordonnées), puisque selon la conception de Brunschvicg dont nous voulons nous inspirer, le "changement d'axe" de la vie religieuse intervenu aux 16ème-17 ème siècles en Europe oblige ceux qui se soucient de philosophie et donc de vie spirituelle, et donc de vie religieuse, à déserter les églises et les synagogues et à consacrer tout leur temps disponible (qui hélas compte tenu des contraintes de la vie moderne se réduit comme une peau de chagrin) à l'étude des avancées de pointe en physique et en mathématique.

    Or ceci peut conduire à des réflexions désespérantes, voire désespérées. Car comme le notent les intervenants de la séacne du 2 juin 1962 à la société française de philosophie, consacrée au cinquantenaire du Grand Oeuvre de Brunschvicg , les "Etapes de la philosophie mathématique" (1912) :

    http://www.sofrphilo.fr/telecharger.php?id=65

    les progrès en mathématique depuis le début du 20 ème siècle ont été tellement intenses que personne ne peut plus se trouver dans la situation où se trouvaient Brunschvicg et d'autres assez rares philosophes : "nous en savons beaucoup plus qu'à l'époque de Brunschvicg collectivement, mais individuellement nous n'en saurons jamais autant que lui".

    Ou, en d'autres termes : du point de vue qui est le nôtre, l'étude des mathématiques, ou plutôt de LA mathématique, doit conduire à une vision "intuitive" de l'unité de l'intelligence, et de l'unité de celle ci avec la "Nature" (dans la physique mathématique). Mais comment pourrions nous embrasser cette unité du regard s'il nous est impossible d'avoir un panorama d'ensemble de LA mathématique, à cause de la complexité croissante de celle ci ?

    Mais ces réflexions désabusées sont peut être prématurées : car il s'est produit, juste à l'époque de la mort de Brunschvicg, un évènement capital dans la vie intellectuelle et donc dans la vie spirituelle-religieuse (pour ne pas parler de la vie tout court) : l'émergence de la théorie des catégories à partir de 1945 (et même 1942 ) avec les premiers travaux d'Eilenberg et Mac Lane.... un évènement dont curieusement les philosophes présents à la séance de 1962 ne parlent pas, sans doute parce qu'il était encore largement inaperçu, hors des cercles restreints de quelques spécialistes, d'ailleurs isolés de leurs collègues "working mathematician" se souciant fort peu de ces théories nouvelles, appelées dédaigneusement "abstract nonsense".

    Or la théorie des catégories permet, pour peu qu'on prenne la peine de l'étudier sérieusement , ce qui veut dire à fond, et réclame des travaux gigantesques, de retrouver l'unité de la vision intellectuelle d'ensemble de LA mathématique, en rapprochant, par des "foncteurs entres catégories", et des foncteurs (transformations naturelles) entre foncteurs, des domaines mathématiques en apparence très éloignés.

    Pourquoi nous sommes nous perdus dans la forêt profonde de l'Etre ? itinéraire de l'âme vers l'Enfer...

    Mais je voudrais, puisque l'optique envisagée ici n'est pas scientifique mais religieuse, revenir au thème principal de ce blog , à savoir tracer à mon tour, et très sommairement, après l'admirable livre d'Olivier Rey, qu'il faudra bien que je commente ici quand j'en aurai le temps, un itinéraire de l'égarement.

    Car reconnaissons le, et cela n'aura certainement pas échappé à la sagacité des rares lecteurs (et donc sagaces parce que rares) de ce blog, il existe une objection facile et évidente qui semble démolir dès le commencement les thèses fondatrices de ce blog. Cette objection, la voici, sous une forme simple, je me l'adresse à moi même:

    "vous dites que l'émergence de la science moderne en Europe, il y a 3 ou 4 siècles, signale l'instauration définitive de l'intellligence et de la raison humaine et sa prise de possession pleine et entière de son Royaume, allant de pair avec une émancipation de l'homme occidental, puis de l'homme tout court,  vis à vis des croyances et préjugés collectifs tribaux, émancipation prenant la forme d'une seconde naissance de l'humanité, d'une naissance spirituelle et définitive, sans possibilité de retour en arrière vers l'obscurantisme et l'ignorance des époques antérieures, seconde naissance dont le traité est le Discours de la méthode de Descartes...

    oui mais alors....comment se fait il que 400 ans plus tard tout aille si mal, et de mal en pis ? comment se fait il que la prétendue "expansion infinie de l'intelligence" dont vous parlez en prenant de grands airs n'ait mené en fait qu'à une augmentation illimitée de la bêtise, de l'immoralité, de l'inculture et de la méchanceté ? une bêtise où d'ailleurs se distinguent particulièrement ces occidentaux que vous semblez mettre sur un piédestal , ces masses abruties d'occidentaux, de "petits blancs" qui ne songent qu'au profit facile pour aller une ou deux fois par an se faire bronzer sur des plages exotiques , voire souiller les femmes de ces pays du Sud attirées par le clinquant de l'argent vite gagné et vite dépensé"...

    et bien sûr, notre interlocuteur imaginaire (mais qui peut bien vite devenir réel) de  poursuivre sur un autre terrrain , plus...disons plus glissant, et donc plus dangereux:

    "mais la vérité, c'est que vous êtes un pleutre, et un lâche ... vous êtes un raciste qui refuse de s'assumer clairement, vous refusez de quitter la position privilégiée qu'a donné à la race blanche la maitrise de la technoscience, en inventant une prétendue spiritualité à l'oeuvre dans la science, une prétendue religiosité qui n'existe que dans votre tête malade de petit juif blanc honteux... mais la science n'est que la création d'hommes avides et cruels voulant s'assurer la domination sur la nature, comme l'avouait clairement votre satané Descartes, qui au moins était plus courageux que vous, et sur les peuples non européens. La science c'est le colonialisme .... la spiritualité véritable n'a rien à voir avec le développement scientifique, mais est liée de manière indissoluble aux religions traditionnelles que vous méprisez parce que vous ne les connaissez pas, ou plus, infidèle que vous êtes à votre propre tradition, et surtout parce que vous êtes moralement incapable de suivre leurs préceptes et d'obéir à leurs Interdits, ceux auxquels obéissaient vos ancêtres que vous méprisez et qui pourtant vous sont bien supérieurs: leurs interdits alimentaires et surtout leurs interdits sexuels, si vous voyez ce que je veux dire....mais il existe une religion où subsiste une communauté véritable, une oumma, une communauté d'hommes et de femmes de tous pays et de toutes races....mais cette communauté n'est pas raciste, contrairement à vous, et même vous, oui même vous les infidèles, les fils de singes et de porcs, vous pouvez rejoindre cette communauté qui n'est autre que l'humanité de l'avenir, unifiée par l'obéissance aux commandements de Dieu...et si vous ne le faites pas à cause de votre ignoble orgueil de blancs, juifs ou chrétiens dégénérés et racistes, vous serez anéantis : personne ne peut lutter contre Dieu...et votre pauvre science humaine devra s'incliner devant la science divine, 'ilmu'llâh, à jamais transcendante et incompéhensible pour les pauvres humains que nous sommes et qui n'ont d'autre voie que l'obéissance et la soumission"

    mais stoppons là ! évidemment le trait est un peu forcé, très forcé même, et puis les critiques peuvent prendre des formes très différentes. Très peu de personnes oseraient ainsi dénigrer en bloc la science, à part peut être quelques "intégristes", religieux ou écologiques...et encore ! le discours le plus courant consiste plutôt à admettre les résultats de la science et leur validité, dans les limites de leur domaine de validité, voire même à suggérer que les avancées scientifiques sont les retombées de la connaissance "ésotérique" à propos des textes sacrés.

    Mais comment ne pas voir que la science est elle aussi créatrice de nouvelles superstitions et de nouveaux "fondamentalismes" si l'on n'en prend qu'une vue partielle, limitée aux résultats interprétés de manière réaliste ? car ceux ci ne se conçoivent que comme résultats justement, à la fin des longues "chaînes de raisons", ou de théorèmes, qui ont menés jusqu'à eux, théorèmes accompagnés de leurs démonstrations : car une proposition scientifique ne signifie rien sans sa preuve.

    De même il est facile de contester que "tout va de mal en pis", au nom du fantastique enrichissement et allongement de la durée et de la qualité de vie procurée depuis un siècle et demi à l'humanité, occidentale tout au moins, par les retombées de la science, en médecine, en agriculture, dans l'industrie, etc...

    Tellement facile que l'on s'abstiendra de le faire ici. Et d'ailleurs, plus généralement, nous sommes persuadés que même si l'on pouvait régler les principaux problèmes économiques , géopolitiques et sociaux qui se posent avec de plus en plus d'acuité, peu aurait été fait. Je ne dirai pas tout à fait que l'homme est un animal métaphysique, parce que je sais de moins en moins ce qu'est le "métaphysique" , mais il y a de ça.... l'être humain, jamais, ne se contentera de mener une vie réglée et "heureuse", pourvue à satiété de tout ce qui peut contenter ses divers appétits, à cause de sa fameuse négativité, ce "trou d'être", ce manque perpétuel qui n'est que le négatif du "divin".

    si vous pensez que tout ce qui importe, ou le principal, dans les affaires humaines, est du domaine du "social", alors vous perdez votre temps à lire ce blog : allez plutôt vous engager dans les équipes de Sarkozy ou d'Obama pour lutter contre les conséquences désastreuses de la "crise", car il y a du boulot...

    Non, personne ne conteste sérieusement les fantastiques progrès sociaux et économiques dûs à la technoscience, et donc à la science, mais beaucoup pensent , avec des arguments assez justes, que ces progrès n'ont concerné qu'une fraction de l'humanité, et se sont traduit pour l'humanité restante par un appauvrissement, ou une perte de l'identité traditionnelle.

    Et beaucoup pensent aussi que ces progrès "matériels" ont entrainé, ou se sont accompagnés, d'une "perte de sens", pour les peuples mêmes qui ont bénéficié de ces avancées.

    comme le dit Olivier Rey : comment la liberté sous la forme de l'autonomie promue par les Lumières a t'elle pu déchoir au niveau de la liberté de choisir son prochain lieu de vacances ?

    ou même, ajouterai je : son programme télévisuel de la soirée ?

    J'ai donc sans doute un peu forcé le trait plus haut, mais je n'ai pas inventé ni complètement faussé la donne existante...

    En fait d'ailleurs, la réponse à ces objections de formes paradoxales ou aporétiques est facile, et elle a déjéà été donnée ici, disséminée au fil de différentes pages.

    Si les hommes se sont avérés infidèles à l'idéal de pure rationalité du 17 ème siècle cartésien et spinozien, idéal appelé ici "Dieu des philosophes et des savants"c'est par faiblesse et impuissance : car la barre a été placée "trop haut", par Copernic déjà, qui a projeté la Terre dans le ciel , c'est à dire détruit la conception du monde précédente, celle du paganisme, qui coexistait avec la science islamique qui n'était autre qu'aristotélicienne, avec sa Terre "au plus bas", ses sphères planétaires, ses étoiles fixes, son "Dieu" doublement transcendant.

    Et projeter la terre dans le cile, cela veut dire que tout est ciel, ou que tout est terre, "ici bas" : pas d'au delà concevable comme "au delà " du monde de la physique.

    Ou encore, comme le dit Bergson cité par Brunschvicg :

    "Un Dieu impersonnel et qui ne fait pas acception des personnes, un Dieu qui n'intervient pas dans le cours du monde et en particulier dans les événements de notre planète, dans le cours quotidien de nos affaires, « les hommes n'ont jamais songé à l'invoquer ». Or, remarque Bergson, « quand la philosophie parle de Dieu, il s'agit si peu du Dieu auquel pensent la plupart des hommes que, si, par miracle, et contre l'avis des philosophes, Dieu ainsi défini descendait dans le champ de l'expérience, personne ne le reconnaîtrait» "

    La "barre" a été placée trop haut en ce sens que tous les "appuis traditionnels" (au delà, jugement dernier, enfer, paradis, post mortem, justice divine, etc...)ont été enlevés d'un seul coup !

    pas étonnant alors que l'homme, le petit homme, celui qui s'effraie des espaces infinis comme de n'importe quelle catastrophe naturelle susceptible de rayer en une seconde sa petite vie, se soit réfugié dans...des dérivatifs, des loisirs, en tout cas des moyens de fuir la "révélation" du Dieu des philosophes et des savants : ce sont les différentes idolâtries et superstitions, parmi lesquelles bien sûr la plus courante est celel des "gadgets" offerts par la technoscience.

    Car ce "Dieu", qui n'intervient pas dans l'Histoire, qui ne nous connaît pas par notre nom , que nous ne "rencontrons" pas en tant qu'individus, en face à face, mais d'esprit à esprit, donc dans notre dimension trans-individuelle,  ne réclame rien moins qu'un héroïsme de la Raison, celui auquel invitait Husserl en 1936-37 dans la "Crise des sciences européennes".

    Or, que l'homme, dans sa situation-dans-le-monde préphilosophique, soit faible, c'est une vérité mise en avant depuis toujours par le christianisme. Elle fait l'objet d'un film fabuleux, prodigieux, très "chrétien" dans l'esprit : "Bad lieutnant", d'Abel Ferrara, sorti au début des années 90. C'est d'ailleurs la substance de l'aveu que fait le magistral acteur Harvey Keitel au cours de la scène où il a l"illlusion de parler au Christ : "je suis trop faible, si tu ne m'aides pas je ne peux rien".

    C'est, si l'on veut, le dernier mot de la Foi.

    Mais la foi est un luxe que beaucoup ne peuvent plus se payer, et notamment les junkies : aussi, si la foi qui sauve n'intervient pas rapidement, passe t'on immédiatement de l'aveu de faiblesse à l'aveu du désespoir, comme dans ce dialogue entre l'inspecteur toxico, Harvey Keitel, et son "amie" blonde qui lui prépare sa seringue :

    "les vampires sont plus heureux que nous, ils ne se nourrissent pas de leur propre substance, eux...il te faut manger tes jambes pour te lever et marcher...bientôt tu seras complètement oublié"

    Or, on comprendra que nous ne puissions pour notre part en rester à ce dernier mot.

    L'explication que nous voulons apporter au "tout va de mal en pis" tourne autour de la mondialisation et de sa fausse conception de l'universel : l'universel abstrait, "ensembliste", celui aussi de la "oumma" (pseudo) universelle, de l'humanité conçue comme un ensemble, une collection.

    Nous verrons, dans un autre article, que la mathématique, qui est une pensée et non un calcul ou un instrument, offre les ressources pour comprendre la nature de ce faux universel "ensembliste," et l'alternative, sous la forme de l'universel concret offert par la théorie des catégories.


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  •  

     Ces deux journées sont ouvertes à tout le monde gratuitement (simplement prévoir une pièce d'identité à présenter à l'entrée de l'Ecole normal supérieure 45 rue d'Ulm). La salle Dussane se trouve au rez de chaussée (se renseigner à l'entrée ).

     

    Le "European Network in Contemporary French Philosophy" qui associe
    le Ciepfc de l'Ecole Normale Supérieure (Département de Philosophie),
    l'Université de Warwick (GB), l'Université de Milan (Italie), les
    Universités de Pise (Italie) et Chicago (USA),  organise entre 2008
    et 2010 un Programme international de recherche sur la philosophie du
    XX° siècle en France autour de ses figures majeures associées et
    opposées sur "l'être, la vie, le concept". Après un colloque à
    Londres et un autre à Milan et Pavie, les deux journées
    sont la première étape parisienne de ce parcours. Elles proposent un
    éclairage sur deux figures majeures de la philosophie des sciences en
    France, Brunschvicg et Bachelard. Elles sont ouvertes au public. A ce
    programme s'ajoutera, le 6 Février 2009 à 18h45, une  Table ronde
    autour de "Proust et la philosophie", et d'ouvrages récents publiés à
    ce sujet par les membres du réseau".

    Voici le programme :

    De Brunschvicg à Bachelard
    Ecole Normale Supérieure, Paris, 6-7 Février 2009

    Salle Dussane

     
    Vendredi 6 février : Léon Brunschvicg
     Président de séance: Professeur Claude Debru (E.N.S) sous réserve.
    Matinée: Métaphysique

    9:30 Ouverture

    9:45 Frédéric Worms (Lille III/E.N.S): "La nécessité de Brunschvicg dans la  philosophie du XXème siècle en France"

    10:15 Jean-Michel Le Lannou (Lycée la Bruyère, Paris): ‘la Puissance de l'Idée'

    10:45 Discussion

    11:15 Pause

    11:30 André Simha (Académie de Nice): ‘Raison et Religion'

    12:00 Stéphane Desroys du Roure (Lille III): ‘de la Liberté chez Brunschvicg'

    12:30 Discussion

    13:00 Déjeuner

    Après-midi: Philosophie des sciences

    14:30 Alberto Gualandi (Université de Bologne, Italie) ‘Métaphores de la vérité mathématique. L'instance du jugement des Etapes à la Modalité'.

    15:15 Anastasios Brenner (Université Paul Valéry-Montpellier III). 'Brunschvicg et l'histoire de la philosophie dans ses rapports avec les sciences'
    15:45 Discussion

    16:15  Pause

    16:30 Frédéric Fruteau de Laclos (Paris I) ‘De l'Architectonique en Epistémologie. La philosophie dans les sciences selon Brunschvicg'


    17:00 Elie During (Paris X) ‘Relativité et Réciprocité: un thème métaphysique au coeur de la physique contemporaine'.
    17:30-18:30:Discussion
    <?xml:namespace prefix = o ns = "urn:schemas-microsoft-com:office:office" /><o:p> </o:p>Samedi 7 février : Gaston Bachelard
     Président de séance: Professeur Jean-Jacques Wunenburger (Lyon III)

    Matinée: Métaphysique et Epistémologie

    9:30 Emmanuel de Saint Aubert (CNRS, E.N.S, Archives Husserl de Paris) ‘Force, forme et matière chez Bachelard et Merleau-Ponty'.

    10:10 Questions

    10:30 Teresa Castelão-Lawless (Grand Valley State University, USA) ‘The Evolution of Scientific and Philosophical Concepts in Bachelardian Epistemology'.

    11:10 Questions

    11:30 Pause

    11:45 Howard Caygill (Goldsmiths College, London): 'Between the History of Mysticism and Science: Koyré in the 1930s'

    12:25-13:00 Questions et discussion
    13:00 Déjeuner
    Après-midi: L'imaginaire et la pensée scientifique
    14:30 Jean-Jacques Wunenburger (Lyon III): ‘la question des rapports Rationalité-Imaginaire chez Bachelard'

    15:10 Questions

    15:30 Zbigniew Kotowicz (Goldsmiths College, London): ‘
    Gaston Bachelard : l'Atomisme, le Surréalisme et la Pensée 
    scientifique'


    16:10 Questions et discussion

    16:30 Pause

    16:50-17:30 Table ronde, animée par les Professeurs Frédéric Worms (Lille III/E.N.S), Mauro Carbone (Università degli Studi di Milano), Arnold Davidson (University of Chicago/Università degli Studi di Pisa) et Miguel de Beistegui (Université de Warwick).

    ainsi se trouve vérifié une nouvelle fois l'adage holderlinien : "là où se trouve le plus grand danger, là croît aussi la plante qui sauve"...

    L'oeuvre et la pensée de Brunschvicg, qui étaient tombées aux oubliettes depuis 1945, sont peu à peu, sinon réhabilitées (ce qui serait d'ailleurs un terme bien mal choisi), en tout cas revisitées et réétudiées...ce colloque en est un signe, ainsi que la publication progressive de la majeure partie de l'oeuvre brunschvicgienne sur le site :

    http://classiques.uqac.ca/classiques/brunschvicg_leon/brunschvicg_leon.html

    La "crise" et le désastre actuels ne sont en aucun cas contingents ni ponctuels, mais s'originent dans l'oubli de l'intellectualité  qui forme le fond de l'aventure scientifique au profit de la "soupe de lentilles" de la techno-science, de l'Arraisonnement du monde (le Gestell de Heidegger). Et non dans l'oubli de l'Etre , comme le voudrait Heidegger! l'athéisme , c'est à dire le nihilisme contemporain, avec son activisme et son "bougisme" forcenés ("bouge de là") , provient de la forclusion de la première étape, absolument nécessaire, dans l'itinéraire de l'âme vers Dieu : l'étape de la recherche de la vérité dans les théorèmes de la mathématique et de la physique, qui doit mener à l'intégrité morale de la conscience dans la liberté et l'autonomie intellectuelle absolues, puis à Dieu "en esprit et en vérité", c'est à dire la source , si l'on veut , de cette autonomie absolue, qui se nomme aussi "vie spirituelle", ou "vie religieuse", et qui se signale par l'émancipation totale de toute croyance de groupe ou de tribu, c'est à dire la religion entièrement désocialisée à laquelle invitent Lachelier comme Brunschvicg.

    Vérité de la science et autonomie de la conscience : ce sont les deux jambes de "Dieu", si vous en coupez une il ne tarde pas à tomber dans un fossé, ou dans un puits comme Thalès, et il est alors à craindre qu'apparaisse une servante thrace qui commence à se moquer de Dieu...etc.. etc... spectacle déplaisant !Mort de rire

    et quant au "Dieu" des religions, il semble qu'il soit cul de jatteClin d'oeil puisque les deux "jambes" dont je viens de parler sont coupées : oubli du cadre intellectuel scientifique de l'unité du monde dans la superstition des "au delà" imaginaires, des sphères et des Intelligences planétaires,  ou des arrière-mondes, et perte de l'autonomie de la conscience dans la dictature du groupe appelée "hétéronomie" (l'exemple le plus frappant étant l'Islam où l'apostasie, c'est à dire le fait de se convertir à une autre religion, est punie de mort !)

    Et, au fonds, quand Rabelais disait que "science sans conscience n'est que ruine de l'âme", il ne disait pas autre chose que Brunschvicg plusieurs siècles à l'avance, en affirmant la destination religieuse ultime, et non pas technique, militaire ou économique, de l'entreprise scientifique....cettte ruine de l'âme, que nous voyons en direct au JT tous les soirs, n'est autre que le remplacement du Dieu de l'homo sapiens, ou Dieu purement spirituel  des philosophes et des savants, par le Dieu utilitaire de l'homo faber, mensonge vital et promotion illimitée de l'égoïsme sous couvert des cérémonies et des cultes religieux ou médiatiques...Dieu de la conscience solitaire et humble du savant contre Dieu grossier de la foule imbécile et obsédée de fornication et donc puritaine et imprécatrice...il faut choisir !

    Rabelais, Montaigne, Descartes, Pascal, Malebranche, Brunschvicg : oui, il y a bien une tradition, une exception de l'intelligence française...comment ce noble pays a t'il pu déchoir au rang des chansons populaires, bal musettes, comptoirs de bistrots, émissions de télévision  et finalement du sarkozysme ? il y a là un Mystère, admettons le , même nous rationalistes impénitents, et toute l'intelligence du monde ne le saurait expliquer...car au fond la connerie est inexplicable, elle est là, simplement,  comme la racine que contemple le héros de "La nausée" .

    L'unique vérité dont Dieu ait à nous instruire c'est, toujours d'après Brunschvicg :l'expansion infinie de l'intelligence et l'absolu désintéressement de l'amour  (attention à l'ordre : l'expansion de l'intelligence doit précéder, et mener à, l'absolu désintéressement de l'amour.... si elle est absente, comme dans les bas fonds de l'occultisme, ou bien si elle s'arrête en se "gelant" quelque part dans sa progression infinie , l'intériorité de la réflexion étant remplacée par l'automatisme de l'instinct ou du calcul, alors nous avons l'athéisme, c'est à dire le nihilisme, dont le nom français est Sarkozy).

    l'expansion infinie de l'intelligence et l'absolu désintéressement de l'amour : phrase splendide que chacun devrait porter sur soi comme Pascal son "mémorial", ce qui aurait peut être évité à l'humanité de suivre la voie inverse : expansion illimitée (et non pas infinie : la bêtise ne peut pas être infinie) de la bêtise menant à l'absolu égoïsme de ce qui se donne pour l'amour, mais qui est en fait la volonté d'emprise de chacun sur tous et de tous sur chacun !

    Mais revenons au désastre, à la ruine de l'âme.....un désastre, bien plus ancien que la crise qui a éclaté en 2008, qui se situe aussi aux trois niveaux dont parle Brunschvicg lui même dans l'article déjà commenté sur "Spiritualisme et sens commun" : intellectuel-scientifique (l'impasse de la physique mathématique dans la théorie des cordes, clairement expliquée par Lee Smolin dans son récent ouvrage "Rien ne va plus en physique"), moral (l'escroquerie et l'imposture devenues la règle partout, pas seulement chez Madoff, en finance, politique, économie, et même et surtout dans le domaine de la pensée, ou de ce qui en tient lieu actuellementHorreur !), et religieux (le fanatisme et la guerre de religions faisant rage partout, y compris dans les villes de France et d'Europe  où l'antisémitisme islamique se donne libre cours avec une violence terrifiante).

    Seule l'oeuvre de Brunschvicg peut nous tirer de cette impasse parce que seule elle nous donne accès au sens véritable de la seule philosophie qui vaille, celle de Platon, Descartes, Spinoza ou Fichte, et seule elle nous permet de nous orienter dans le labyrinthe de la mathématique et de la physique ( labyrinthe dont le rapide parcours des nouveaux travaux sur le site http://arxiv.org  donne une petite idée)...c'est en tout cas la thèse qui sous-tend l'activité de ce blog.

    mais évidemment ce n'est que mon avis, et comme dit l'autre sur France-Info tous les matins : "vous n'êtes pas obligés de me croire"


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  • Cet article continue le précédent, où je commentais sommairement le si beau dernier chapitre du livre de Brunschvicg : "L'idéalisme contemporain"...voici les quelques lignes de la fin que je recopie :

    "comprendre la civilisation à laquelle il appartient, l'âme qui se fait par elle, l'éclairer à la lumière de la réflexion, en y retrouvant l'unité vivante, le foyer intérieur du progrès, l'esprit, telle est l'oeuvre du philosophe.

    Cette conception place la philosophie au coeur de la morale comme au coeur de la science, au centre de l'humanité....nous croyons avoir montré que la tradition autorise à lui donner le nom d'idéalisme; mais nous voudrions aller plus loin, et dire que c'est dans cette conception même que l'idéalisme conquiert sa propre vérité.

    Tout idéalisme est incomplet et impuissant qui conçoit l'idéal en l'opposant à la réalité;l'idéal, c'est alors ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne pouvons pas être, le chimérique ou l'inaccessible.

    Et ainsi se constitue le faux idéalisme, celui qui célèbre doctement la banqueroute de la science humaine, afin de fonder la vérité divine sur l'absurdité de la croyance, ou qui s'associe joyeusement sur terre à l'oeuvre d'iniquité, afin de mieux réserver la justice au Ciel..

    mais si l'idéal est la vérité, il est la vie même de l'esprit. L'idéal, c'est d'être géomètre, et de fournir d'une proposition une démonstration rigoureuse qui enlève tout soupçon d' erreur; l'idéal c'est d'être juste, et de conformer son action à la pureté de l'amour rationnel qui enlève tout soupçon d'égoïsme et de partialité.

    Le géomètre et le juste n'ont rien à désirer que de comprendre plus ou de faire plus, de la même façon qu'ils ont compris ou qu'ils ont agi, et ils vivent leur idéal.

    Le philosophe n'est pas autre chose que la conscience du géomètre et du juste; mais il est cela, il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi; le philosophe ouvre l'esprit de l'homme à la possession et à la conquête de l'idéal, en lui faisant voir que l'idéal est la réalité spirituelle, et que notre raison de vivre est de créer cet idéal.

    La création n'est pas derrière nous, elle est devant nous; car l'idée est le principe de l'activité spirituelle...

    C'est donc à une alternative que nous conduit l'étude de l'idéalisme contemporain

    Ou nous nous détachons des idées qui sont en nous pour chercher dans les apparences extérieures de la matière la constitution stable et nécessaire de l'être, nous nous résignons à la destinée inflexible de notre individu, et nous nous consolons avec le rêve dun idéal que nous reléguons dans la sphère de l'imagination ou dans le mystère de l'au delà

    ou bien nous rendons à nos idées mortes leur vie et leur fécondité, nous comprenons qu'elles se purifient et se développent grâce au labeur perpétuel de l'humanité dans le double progrès de la science et de la moralité, que chaque individu se transforme, à mesure  qu'il participe davantage à ce double progrès. Les idées, qui définissent les conditions du vrai et du juste, font à celui qui les recueille et s'abandonne à elles, une âme de vérité et de justice; la philosophie, qui est la science des idées, doit au monde de telles âmes, et il dépend de nous qu'elle les lui donne"

    Portons notre attention et notre réflexion méditante sur ce passage :

    "Le philosophe n'est pas autre chose que la conscience du géomètre et du juste; mais il est cela, il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi"

    La tâche, ou la "mission", du philosophe, ou plutôt de la philosophie, s'avère ainsi, dans un premier temps tout au moins, de nature négative. Il s'agit de dissiper des préjugés, des superstitions, et cette conception semble bien proche en apparence de celles de l'Aufklärung du 18 ème siècle.

    mais cette similitude apparente est erronée; car il ne s'agit pas de détruire, ni de "surmonter" selon un mouvement d'Aufhebung hégélien, il s'agit de remplacer une révélation imaginaire, celle d'un au delà ou d'une transcendance, d'une eschatologie, par une "révélation" immanente, qui est la même, ou en tout cas élargit, celle que Roland Omnès a appelée dans son dernier ouvrage : "la révélation des lois de la Nature".

    L'activité spirituelle immanente  présente en toute recherche scientifique ou en tout effort éthique remplace la transcendance et ses dogmes imaginaires venus d'un "en Haut" ou d'un "monde intelligible" supposés.

    Ceci est bien proche de l'idéalisme de Fichte, que Brunschvicg commente ainsi dans le "Progrès de la conscience":

    "Le Moi de Fichte est entièrement spirituel. Par suite le passage du moi conditionné au moi absolu ne requerra rien que le progrès d'une conscience perpétuellement en acte, suivant l'essor de liberté qui est inhérent au dynamisme de la raison pure.... le principe qui régit la vie de l'esprit, qui fait qu'il y a une vie de l'esprit, c'est que l'on ne saurait envisager de terme dernier auquel s'arrêterait le progrès de la conscience"

    La catastrophe du "réalisme", sous toutes ses formes (matérialismes, dogmatismes religieux, etc..) se trouve conjurée par l'idéalisme envisagé sous sa forme véritable, où le savoir supplante le croire dans la mesure où la conscience morale prédomine sur  la conscience intellectuelle (ce qui n'est pas contradictorie avec ce que nous avons affirmé ailleurs , soit le fait que la recherche intellectuelle du vrai conditionne l'accès à la moralité réelle):

    "Le danger du réalisme se trouvera donc conjuré du moment que la conscience sensible, que la conscience intellectuelle même considérée dans sa fonction théorique, ne sont que des abstractions de la conscience morale, comme le danger de voir la pureté de la critique s'infléchir dans le sens dialectique, l'immanence du Wissen (savoir) se subordonner à la transcendance du Glauben (croire, foi)"

    Les développements de Monod sur l'éthique de la connaissance , à la fin du "Hasard et la nécessité", se trouvent préfigurés chez Fichte expliqué par Brunschvicg :

    "C'est seulement en tant que je suis un être moral que la certitude est pour moi possible : le criterium de toute vérité théorique n'est pas lui même un criterium théorique, c'est un criterium pratique : un criterium interne, non un criterium externe, objectif, car précisément là où il est considéré comme moral, le moi doit être entièrement autonome et indépendant de tout ce qui se trouve en dehors de lui"

    Le Dieu vérace de Descartes, garant des vérités et de la certitude, se trouve donc confirmé et complété, à condition qu'il soit déchristianisé et remplacé par le Dieu des philosophes et des savants, que Descartes et même Fichte , encore trop chrétiens, n'ont pu envisager dans sa nature intellectuelle véritable : c'est à dire comme activité spirituelle, et donc morale, pure. Et du même coup se trouve réfutée toute conception de la Mathesis universalis qui la restreindrait à une mathématique universelle sous forme axiomatique , car le criterium "de fond" n'est pas objectif, il n'est pas sur le même plan que les axiomes des théories qui forment les objets de la catégorie constituant la "mathématique universelle" ; il est moral, intérieur....ce criterium, ce n'est rien moins que le "faire exister" (et non existence) la norme de vérité et de morale qui peut être appelé "Dieu des philosophes et des savants".

    Il est donc bien vrai que comme disait Descartes aucun athée ne peut accéder à une vérité certaine, fondée. La philosophie véritable, celle de Descartes, Spinoza, Brunschvicg, ou Einstein, ne peut être un athéisme. Toute philosophie se prétendant athée ne peut être LA philosophie, la Mathesis universalis, la Wissenschaftslehre (doctrine de la science, science de la science et de l'Absolu).

    Le grand retournement : les athées , ce sont en fait les croyants ! ou : comment Saint Brunschvicg m'a appris à ne plus m'en faire et à aimer Dieu, le Dieu des philosophes et des savants !

    Mais nous avions commencé l'article précédent par le lien vers l'article de Brunschvicg, qui constitue le début de "L'idéalisme contemporain", et qui s'intitule "Spiritualisme et sens commun", lien que je redonne ici :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110519 (aller page 531 à 545)

    Comme on va le voir, cet article extraordinaire (qui est sans nul doute l'un des sommets de l'oeuvre brunschvicgienne, et donc de toute la philosophie universelle) explique , sous une forme bien plus claire et complète, la "réfutation" de l'athéisme qui vient d'être proposée (sous une forme bien insatisfaisante certes, ce qui est dû à l'insuffisance de votre serviteur). Tout ce qui est à comprendre est déjà écrit en toute lettres plus haut :

    "il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi"

    et , sous une forme encore plus "forte" (page 544 de "Spiritualisme et sens commun"):

    "en définitive, les trois propositions génératrices du scepticisme, de l'immoralisme, de l'athéisme, sont : le vrai est, le bien est, Dieu est"

    Tout ce qu'il y a à savoir pour s'orienter dans l'existence tient en cette simple phrase : comprenez la et vous pourrez marcher tranquille de par la vie, sans plus craindre rien ni personne !

    Il y a là, semble t'il, un phénomène analogue à la "cricumnavigation autour des religions terrestres" dont parle Brunschvicg dans "Vraie et fausse conversion" (citation dans l'article sur "Le dieu des guerres de religion et le dieu des philosophes), mais c'est une impression fausse : ici nous ne sommes plus dans la circumnavigation (où les fidèles de l'hémisphère nord deviennent les infidèles de l'hémisphère sud), mais dans un processus d'orientation absolue.

    La philosophie, c'est l'orientation, opposée à la désorientation (actuelle, du matérialisme démocratique )!

    Comment définit on les athées et les croyants, généralement, dans les discussions pseudo-philosophiques restant engluées au niveau du sens commun ?

    Les croyants sont ceux qui "croient" que "Dieu est, Dieu existe". Les athées sont ceux qui croient le contraire. Et les agnostiques sont ceux qui disent que l'on ne peut pas trancher.

    Eh bien pas du tout , nous dit (et surtout nous démontre) Brunschvicg !

    ceux qui affirment que "Dieu est" , qui se pensent "croyants" sont les athées véritables !

    Scandaleux n'est ce pas ?

    oui, scandaleux, mais seulement pour le prétendu sens commun, poursuit Brunschvicg (page 544):

    "autant cette conclusion est paradoxale pour le prétendu sens commun, qui est l'esclave du langage et qui assimile les réalités spirituelles aux réalités matérielles, autant elel est droite et simple pour le vrai sens commun qui se refuse à séparer de l'activité spirituelle la vie intellectuelle, la vie morale, la vie religieuse.

    Pour le vrai sens commun, le spiritualisme positif et efficace, ce n'est pas celui qui poursuit l'insaisissable chimère de l'absolu, de l'extra-humain, et qui délaisse pour cette vaine recherche toutes les ressources de notre nature, c'est celui qui confond sa cause avec le développement de la civilisation de l'humanité, qui vise à définir, telles qu'elles nous sont faites dans la science et dans la pratique, les conditions de la vérification, de la moralisation, de la déification"

    ce qui rejoint ces lignes du "Progrès de la conscience" à propos de Fichte :

    "L'idéalisme pratique de Fichte, c'est donc l'humanisme, tel qu'il s'est développé de Montaigne à Rousseau, mais un humanisme qui réussit à guérir l'individu de la solitude, qui lui montre dans la conscience de l'Ichheit überhaupt la tâche à réaliser par le moi, et qui n'est rien d'autre que la communauté sur Terre des êtres raisonnables, l'unité vivante de l'esprit"

    et, ajouterai je, l'humanisme véritable, ce n'est donc pas l'existentialisme de Sartre ("l'existentialisme est un humanisme", tu parles !), encore moins l'imposture actuelle des "droits de l'homme", qui permettent aux puissants de l'heure de voler et tuer tranquillement les peuples asservis.

    Fichte, encore un tant soit peu chrétien, envisageait d'autres stades (indicibles)  "après" cette "unité vivante de l'esprit". Mais nous n'avons pas à nous préoccuper de cela, Fichte revu par Brunschvicg nous suffit, et il est plus fidèle à Fichte que Fichte lui même ! (même chose d'ailleurs pour Descartes, qui doit être déchristianisé pour devenir enfin...Descartes! )

    Mais, me demanderez vous, où est la preuve de ces allégations scandaleuses selon lesquelles les croyants (juifs, musulmans, chrétiens, hindouistes, etc..) seraient en fait les athées véritables ?

    La preuve, ce n'est certes pas de prendre en considération les crimes et monstruosités innombrables qu'ont autorisé, voire causé, les trois religions du Livre, avec aussi l'hindouisme... crimes dont le dernier exemple est Gaza !

    non, ce ne saurait être une preuve réelle, c'est à dire philosophique, encore que ce soit un indice bien révélateur , et gênant pour les "croyants", tellement gênant qu'il n'ont de cesse de prétendre que les religions sont innocentes de ces crimes, alors que l'évidence dit le contraire...

    la preuve elle est dans les dernières pages de l'article de Brunschvicg ! comment me permettrais je, avec mes pauvres mots, de tenter de paraphraser ce qui est indépassable ?

    commencez avec le denier paragraphe de la page 541, lisez et relisez, autant de fois qu'il le faudra....vous verrez ! la Révélation se fera, celle du Dieu des philosophes et des savants ! il est impossible qu'il en soit autrement !

    faisons quelques pas ensemble, si vous le voulez bien...page 541 donc :

    "ainsi l'effort que nous proposons au sens commun ne consiste pas dans la substitution d'une doctrine spéculative à une autre : il a pour objet de faire tomber la barrière de préjugés qui dérobait l'esprit à lui même, de le faire revenir à soi"

    mais cette barrière ne tombe pas facilement, encore moins facilement que le mur de Berlin, ou que celui du Proche Orient ! car il y faut, comme le disait Fichte, une sorte d'opération chirurgicale qui "ouvre" l'oeil de l'esprit, qui rende "voyant" les aveugles que nous sommes donc (et pas "voyants" au sens des bas fonds de l'occultisme , théosophie et autres charlataneries). Seulement, la difficulté, c'est que cette opération, aucun chirurgien ne la fera pour nous : le chirurgien, c'est nous mêmes !

    ou, en d'autres termes : il dépend seulement de nous, c'est à dire de toi, de moi, et de notre bonne volonté, de "faire être" Dieu !

    "tous les individus sont compris dans la grande unité de l'esprit pur" (Fichte).

    Le taoïsme, le Zen, ne disent pas autre chose : mais ils ne mènent pas à la réalisation; seule la philosophie véritable y mène !

    l'effort, le travail proposé par Brunschvicg au "faux sens commun" pour qu'il "revienne à soi" et devienne le vrai sens commun, a pour première conséquence, s'il est correctement effectué, de ramener les trois problèmes qui intéressent la vie spirituelle à leurs termes véritables, et donc de permettre leur résolution (car on sait qu'un problème mal posé est insoluble) : problème de la vérité (intellectuel), problème de la moralité, et enfin problème religieux.

    C'est évidemment le problème religieux qui prédomine : celui qui s'arrête au problème intellectuel commet le péché d'intellectualisme; mais s'il arrive à passer du premier au second, à concevoir que la recherche du vrai (dans la science) doit déboucher sur la moralité véritable, alors il arrivera au bout de la voie, au Dieu des philosophes, c'est à dire qu'il comprendra que la voie n'a pas de fin, et qu'elle ne saurait déboucher dans aucun au delà transcendant de pacotille...

    ou encore, comme dit le Maitre Zen au disciple encore plein de préjugés qui lui demande : "Maître,mais pourquoi ai je à me laver, à m'habiller, à me nourrir, à dormir, chaque jour, et à recommencer le lendemain ?"

    "quand j'ai faim je mange, quand l'ai soif je bois, quand le suis fatigué je dors"

    Seulement attention ! là où les spiritualités orientales sont des impostures extrêmement dangereuses, c'est qu'elles méprisent l'intellectualité (ou du moins prétendent disposer d'une intllectualité véritable, située au delà de l'intellect analytique des sciences "occidentales, voir là dessus les balivernes de René Guénon alias "Abd el Wahid Yahia" qui ne cesse de vitupérer contre la rationalité occidentale à laquelle il oppose l'Intellect encore présent chez Thomas d'Aquin !

    Or, nous dit la philosophie, par la voix de Brunschvicg, il faut commencer par le commencement, c'est à dire par le problème de la vérité !

    toute recherche qui croirait pouvoir négliger l'étude de  la science et de la mathématique universelle, pour  commencer directement par le bien, l'éthique du silence, ou par "Dieu" (par dépassement du "mental" et de l'intellect  au cours d'exercices de méditations) est une imposture, une impasse , qui ne mène pas à Dieu mais au néant !

    ce qui se dit aussi , en termes politiquement incorrects et condamnables, et je m'en excuse :

    L'Occident (de la science moderne, et de l'intellectualité analytique) est supérieur à l'Orient !

     les spiritualités orientales mènent à la désorientation, LA spiritualité occidentale véritable (la "vraie" philosophie) est aussi  l'orientation véritable !

    Que ceux qui ont des oreilles entendent !

    mais cette "Occident" véritable n'a rien à voir avec ce qu'on appelle actuellement "occident", qui vole et met en esclavage les autres peuples, et condamne d'ailleurs les peuples occidentaux au malheur et à l'anéantissement.

    Le problème intellectuel est mal posé par le faux sens commun : "le vrai est ou n'est pas". (page 542) Ce qui mène au dogmatisme et au scepticisme. "Le remède à cette maladie, c'est de chercher la source permanente de la vérité dans ce qui est proprement autonome et créateur, dans l'activité de l'esprit" (Spinoza n'a pas dit autre chose). Mais bien évidemment, ceux qui cherchent cette source dans les Livres sacrés (Bible, Coran, Vedas) recoivent leur salaire : larmes, grincements de dents, haines et guerres.

    Le vrai sens commun résout ensuite le problème moral en renonçant à l'idole du "Bien en soi", "entité abstraite interposée entre l'agent et l'acte"... "il ne met pas la valeur morale dans un acte matériel , mais là où seulement elle peut être, dans la vie spirituelle". autrement dit : dépassement du ritualisme et du pharisaïsme.

    Et enfin... enfin... la Terre promise! non pas celle où Moïse n'est pas entré tout en la voyant avant de mourir, mais l'intelligence du problème religieux, venant après celle du problème intellectuel (qui réclame l'étude de la science) et du problème moral (qui réclame la mise en pratique de la philosophie).

    l'athéisme apparaît comme le terme inévitable de l'alternative qui fait de Dieu un objet, "qui est ou qui n'est pas" !

    L'affirmation que Dieu est, voilà l'athéisme ! car :

    "ou l'existence, telle qu'elle est attribuée à Dieu, ne ressemble en rien à aucun genre d'existence connu, et alors l'affirmation échappe à toute justification et détermination" (ou, en d'autres termes: on parle pour ne rien dire ) "ou l'existence est conçue d'après celle des individus vivants, et alors, par la façon même dont il est affirmé, Dieu est nié"

    Lumineux ! dire que "Dieu est", voilà l'athéisme (et aussi donc le scepticisme et l'immoralisme) !

    et l'on comprend les crimes entrainés par les religions !

    "tantum religio potuit suadere  malorum" (Lucrèce) ("tant la religion a pu causer de crimes")

    La seule chose que nous devons retenir de l'Evangile, c'est la prescription d' adorer Dieu en esprit et en vérité.

    Or seul le Dieu qui est l'esprit, qui est la Raison, le Dieu des philosophes et des savants, peut être adoré en esprit et en vérité. Pas le Dieu , l'Idole d'Abraham !

    et "adorer" (amor Dei intellectualis) le Dieu qui est esprit, cela veut simplement dire : concevoir l'esprit comme activité "éternelle", ou encore : ne pas cesser l'activité spirituelle pour retomber dans l'automatisme mental des "opinions" et des "sentiments", ou dans les divers "conformismes" tribaux, nationaux, "ethniques", sociologiques ou religieux.

    Philosophie ou sociologie : il faut choisir !

    Brunschvicg (page 544):

    "L'esprit se refuse au Dieu du mystère comme au Dieu des armées"

    tout est dit....allez porter cette "bonne nouvelle" (Evangile) aux combattants , juifs ou musulmans, de Gaza.

    et encore ceci (pour nous accompagner dans la vallée du désespoir actuel), cette vision prodigieuse de la véritable Terre Promise, promise à tout homme :

    "à mesure qu'il s'approche de cet idéal de perfection, il participe davantage au Dieu intérieur; la vie religieuse consiste dans l'ascension perpétuelle de l'esprit, dans la déification"


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  • Ce qui repose derrière la notion de "Dieu des philosophes et des savants", c'est à dire, si l'on doit dépasser le domaine des notions et des concepts, l'activité spirituelle qui s'égale à la pensée de Dieu, est généralement si dur à comprendre (y compris pour moi même qui n'ai créé ce blog que pour améliorer ma compréhension) que l'on vous fait le plus souvent l'objection, quand vous en parlez  :

    "et pourquoi ne dites vous pas franchement que vous êtes un athée ? qu'est ce qui vous fait peur dans ce mot ?"

    à la suite de quoi votre interlocuteur vous assène ses titres de "tolérance", de diversité  et de démocratie:

    "vous savez, j'admets parfaitement que l'on soit athée, je suis tolérant moi, je respecte les différences, nous sommes dans un monde multiculturel voyons...d'ailleurs ma religion est un message de paix et de tolérance etc..etc..."

    C'est d'ailleurs exactement le diagnostic qui a été fait le plus souvent à propos de la pensée religieuse de Brunschvicg :

     «il parle sans arrêt de vie spirituelle et religieuse, de Dieu, du Dieu des philosophes et des savants qu'il oppose point par point au Dieu d'Abraham, mais en fait il s'agit d'un athéisme virulent et radical qui ne dit pas son nom, qui s'avance masqué pour mieux désarçonner l'adversaire, un athéisme qui prend la forme du scientisme d'ailleurs, son prétendu "Dieu" n'est en fait que la raison mathématicienne, il s'agit donc d'une idolâtrie de la science»

    De même, Spinoza était considéré comme le type même de l'athée vertueux, ce qui menait au (faux) problème de savoir comment un homme peut être vertueux et ne pas croire en Dieu.

    Problème vain, puisque Spinoza n'était pas athée; mais problème insoluble aussi, puisqu'il faut plutôt se demander comment on peut croire en Dieu (le Dieu de la foi, l'agité du Sinaï) et être réellement vertueux, c'est à dire bien agir pour le seul amour du Bien, et non pas pour obéir à Dieu, dans la crainte d'un châtiment ou l'espoir d'une récompense....

    et pourtant, de nos jours encore, un philosophe aussi profond que Robert Misrahi estime que le spinozisme est un athéisme.

    Et Alain Badiou affirme que Dieu est mort, et que le "Dieu des rationalistes" n'était d'ailleurs qu'une machine de guerre dirigée contre le Dieu vivant des religions.

    Je pourrais ici reprendre les arguments que j'ai avancés dans le passé à propos de la philosophie comme science de l'Absolu ou Mathesis universalis, ou "science de la science" (Wissenschaftslehre de Fichte), mais je m'aperçois que nous avons à notre disposition, sur le site Gallica de la bibliothèque nationale, un prodigieux article de Brunschvicg intitulé : "Spiritualisme et sens commun", dont j'ai déjà donné le lien et la référence dans la Revue de métaphysique et de morale  (1897 A5)à la fin de l'article précédent :

    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k110519   (aller page 531 à 545)

    Il est impossible de surévaluer l'importance de cet admirable  article de quelques pages, en apparence assez simple et sommaire; il a été repris, avec quelques autres tirés eux aussi de la Revue de métaphysique et de morale, au début du 20 ème siècle dans l'ouvrage : "L'idéalisme contemporain".

    Seul le dernier chapitre de cet ouvrage, qui donne son titre au livre, n'est pas tiré de la Revue, mais consiste en la communication de Brunschvicg au congrès philosophique de 1900, et permet de se faire une idée précise du "but" de toute la carrière philosophique (et religieuse, puisque la philosophie est selon nous de nature religieuse, contrairement aux prétendues "religions", qui ne sont que des idolâtries) de Brunschvicg, à savoir : définir le véritable idéalisme comme doctrine de l'esprit vivant, en se débarrassant des vains "fantômes" de l'idéalisme métaphysique sous ses diverses formes, "fantômes" dépassant les limites de la conscience et de l'expérience humaines et donc de la vérification, qui seule mène à la vérité.

    Voici quelques lignes limpides et merveilleuses de clarté et de sobriété tirées de ce dernier chapitre de l'idéalisme contemporain; je suis persuadé que si les hommes de bonne volonté et sincères qui se sont engagé&s dans l'idéologie du "matérialisme" (dialectique ou non) qui a mené aux catastrophes que l'on sait avaient lu et compris ces lignes, bien des maux et crimes eussent pu être évités, et nous n'en serions pas, soit dit en passant, dans l'affreuse situation où nous sommes plongés en cette "crise mondiale" du début 2009, qui nous menace d'un anéantissement total à plus ou moins brève échéance... mais revenons à nos chères "idées"...

    "comprendre la civilisation à laquelle il appartient, l'âme qui se fait par elle, l'éclairer à la lumière de la réflexion, en y retrouvant l'unité vivante, le foyer intérieur du progrès, l'esprit, telle est l'oeuvre du philosophe.

    Cette conception place la philosophie au coeur de la morale comme au coeur de la science, au centre de l'humanité....nous croyons avoir montré que la tradition autorise à lui donner le nom d'idéalisme; mais nous voudrions aller plus loin, et dire que c'est dans cette conception même que l'idéalisme conquiert sa propre vérité.

    Tout idéalisme est incomplet et impuissant qui conçoit l'idéal en l'opposant à la réalité;l'idéal, c'est alors ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne pouvons pas être, le chimérique ou l'inaccessible.

    Et ainsi se constitue le faux idéalisme, celui qui célèbre doctement la banqueroute de la science humaine, afin de fonder la vérité divine sur l'absurdité de la croyance, ou qui s'associe joyeusement sur terre à l'oeuvre d'iniquité, afin de mieux réserver la justice au Ciel".

    Comment ne pas penser ici aux évènements de ces dernières semaines ? à ces "croyants" sincères (musulmans, chrétiens ou juifs) qui appellent à la guerre pour , croient ils, mettre fin au crime (de ceux d'en face) en oubliant leurs propres crimes....éternelle symbolique de la paille et de la poutre !

    quant à l'absurdité de la croyance, de toute croyance religieuse et donc invérifiable, je ne connais aucune explication meilleure que celle qu'en donne Marie Anne cochet dans son livre sur la conversion spirituelle chez Brunschvicg : soit la croyance est vérifée de manière rationnelle, par l'enquête scientifique, et alors elle cesse d'être croyance, soit (comme c'est le cas des croyances religieuses) elle ne peut l'être et elle mène alors au "grand n'importe quoi" du fanatisme et de l'idolâtrie.

    Mais il est une étape au delà vers le "pire" : c'est celle qui consiste à "imaginer", ou "feindre", de vérifier la croyance, mais par d'autres moyens que la pure et simple raison, commune à tous, et qui est à l'oeuvre dans la recherche scientifique. Des moyens plus "occultes"....et nous arrivons alors à toutes les variantes, ou plutôt les "bas-fonds", comme le dit Brunschvicg, de la théosophie, de l'anthroposophie (Blavatsky, Steiner) ou de l'occultisme .... y compris le "christianisme" dit "ésotérique" de Gurdjeff-Ouspensky, ou la "gnose" de Boris Mouravieff.

    Et les succès efffrayants enregistrés depuis les années 60 (en fait depuis plus longtemps, depuis le 19 ème siècle, comme en témoignent les racines occultistes du nazisme à Vienne) montrent à l'évidence que l'idéalisme , tel que rectifié par Brunschvicg, n'a pas joué son rôle de rempart contre l'invasion des ténèbres occultes et irrationnelles. Et pour cause : Brunschvicg n'a pas vraiment été compris....car comme on dit : "le simple est le plus difficile".

    Mais continuons à boire à la fontaine de vie et à manger la manne céleste qui nous est généreusement distribuée en ce dernier chapitre de l'Idéalisme contemporain:

    "mais si l'idéal est la vérité, il est la vie même de l'esprit. L'idéal, c'est d'être géomètre, et de fournir d'une proposition une démonstration rigoureuse qui enlève tout soupçon d' erreur; l'idéal c'est d'être juste, et de conformer son action à la pureté de l'amour rationnel qui enlève tout soupçon d'égoïsme et de partialité.

    Le géomètre et le juste n'ont rien à désirer que de comprendre plus ou de faire plus, de la même façon qu'ils ont compris ou qu'ils ont agi, et ils vivent leur idéal.

    Le philosophe n'est pas autre chose que la conscience du géomètre et du juste; mais il est cela, il a pour mission de dissiper tout préjugé qui leur cacherait la valeur exacte de leur oeuvre, qui leur ferait attendre, au delà des vérités démontrées ou des efforts accomplis, la révélation mystérieuse de je ne sais quoi qui serait le vrai en soi ou le bien en soi; le philosophe ouvre l'esprit de l'homme à la possession et à la conquête de l'idéal, en lui faisant voir que l'idéal est la réalité spirituelle, et que notre raison de vivre est de créer cet idéal.

    La création n'est pas derrière nous, elle est devant nous; car l'idée est le principe de l'activité spirituelle..."

    Il est d'autant plus important de prendre connaisance de ce petit livre, "L'idéalisme contemporain", qu'il semble qu'il ne soit pas prévu de l'inclure sur le site des "Classiques" où l'oeuvre de Brunschvicg sera progressivement mise en ligne.

    Qui peut prétendre, parmi ceux qui se prétendent philosophes, être à la hauteur de la "mission" définie ici par Brunschvicg (et dont il s'est acquitté lui même avec rigueur et conscience) ? L'expression (choquante à nos oreilles contemporaines) d'"amour rationnel" mérite de se voir accorder une attention spéciale. Car l'amour tel qu'il est habituellement défini ou pensé, l'amour entre deux êtres, où la sexualité entre en jeu de manière primordiale, ou bien l'amour dit "spirituel" ou "platonique" (sans aucun rapport avec Platon d'ailleurs), est plutôt de l'ordre de l'idolâtrie que de la spiritualité véritable.

    Encore quelques lignes formant la fin du livre :

    "C'est donc à une alternative que nous conduit l'étude de l'idéalisme contemporain"

    (une alternative analogue à celle du Deutéronome, soit dit en passant, où Israel se voit placé devant l'alternative de deux voies, celle de la vie et de la mort.... mais bien entendu dans une optique totalement différente)

    "Ou nous nous détachons des idées qui sont en nous pour chercher dans les apparences extérieures de la matière la constitution stable et nécessaire de l'être, nous nous résignons à la destinée inflexible de notre individu, et nous nous consolons avec le rêve dun idéal que nous reléguons dans la sphère de l'imagination ou dans le mystère de l'au delà"

    cette voie est la voie de la mort, c'est celle qui a été suivie par l'ensemble de l'intellectualité occidentale contemporaine, y compris scientifique d'ailleurs, sous le nom de "matérialisme", ou bien, à un niveau moins théorique, par l'ensemble de l'humanité dite "croyante", visant un quelconque "au delà" de ce monde, qui est pourtant "le Seul". Et je ne pense pas que les différents courants se proclamant "ésotériques" ( visant à étudier l'aspect dit "intérieur" des courants religieux) permettent de dépasser ces impasses. Ne nous étonnons donc pas de la situation atroce où nous nous voyons enlisés, semblable à celle dont parlait Husserl en 1937, et qu'il expliquait par la "crise des sciences européennes". Ce qu'exige l'époque, ce ne sont pas des jérémiades, ce sont des actes ; et c'est justement à l'action, c'est à dire à l'activité spirituelle véritable, c'est à dire à l'idéalisme tel qu'il l'explicite ici, que nous convie Brunschvicg :

    "ou bien nous rendons à nos idées mortes leur vie et leur fécondité, nous comprenons qu'elles se purifient et se développent grâce au labeur perpétuel de l'humanité dans le double progrès de la science et de la moralité, que chaque individu se transforme, à mesure  qu'il participe davantage à ce double progrès. Les idées, qui définissent les conditions du vrai et du juste, font à celui qui les recueille et s'abandonne à elles, une âme de vérité et de justice; la philosophie, qui est la science des idées, doit au monde de telles âmes, et il dépend de nous qu'elle les lui donne"

    ce qui est affirmé ici, c'est la possibilité d'une pensée vivante, et non morte comme celle qui a prévalu jusqu'ici, ou encore la philosophie comme connaissance intégrale (comme science des idées). On peut lire aussi ces lignes comme une réélaboration du platonisme : les Idées sont devenues les idées, c'est à dire qu'elles sont redescendues du ciel en terre, ou du "mundus archetypus" en la conscience humaine immanente, existant réellement ici et maintenant en une âme et un corps.

    Rudolf Steiner, le créateur de l'anthroposophie, visait lui aussi à permettre l'accès à une pensée vivante, par opposition à une pensée morte, abstraite, aussi parlait il d'une science spirituelle, l'anthroposophie, dépassant sans les renier les sciences "matérialistes".

    Mais c'est Brunschvicg qui y donne réellement accès, grâce à la rigueur de sa pensée; il y a beaucoup de belles choses chez Steiner, en tout cas le premier Steiner, celui d'avant 1900, notamment sa "Philosophie de la liberté" qui contient de nombreuses similitudes avec la "connaissance intégrale" de Brunschvicg. Mais ensuite Steiner retombe au niveau dégradé de la pensée occulte et magique héritée de la théosophie (orientale chez Blavatsky, occidentale chez Schelling). Brunschvicg est (miraculeusement !!) préservé d'une pareille malencontreuse évolution parce qu'il refuse de se placer "en surplomb" de la science, de la science réelle, la physique mathématique...sans bien sûr confondre philosophie et science.

    La dernière phrase du livre :

    "Les idées, qui définissent les conditions du vrai et du juste, font à celui qui les recueille et s'abandonne à elles, une âme de vérité et de justice; la philosophie, qui est la science des idées, doit au monde de telles âmes, et il dépend de nous qu'elle les lui donne"

    résonne comme un tragique et bouleversant appel aux hommes de l'aveir, c'est à dire à nous et à nos hypothétiques descendants.

    Tragique parce que nous savons que la philosophie n'a pas été fidèle à sa mission, telle que définie par Brunschvicg, qu'elle n'a pas donné au monde "de telles âmes", ou alors si peu, tellement peu que leur voix (celle de Brunschvicg notamment) a été complètement étouffée par le tam tam médiatique et les vociférations du cortège dionysiaque qui suivait le Grand Sorcier Psychothaumaturge : Lacan.

    Mais l'appel est là qui vibre, et que nous pouvons toujours entendre : la réflexion philosophique, qui est la seule véritable spiritualité, s'exerce dans un éternel et inépuisable aujourd'hui.

    Il dépend donc toujours de nous, et uniquement de nous, qu'elle donne au monde à venir de telles âmes. Uniquement de nous parce que nous refusons de nous décharger de notre responsabilité, et surtout pour tout dire de notre irresponsabilité, sur un Dieu que nous pourrions rencontrer "en face à face", qui se soucierait de nous en tant qu'individus.

    Le Dieu des philosophes et des savants, que nous entendons opposer ici au Dieu d'Abraham, est envers nous comme "esprit à esprit". Ceci veut dire qu'il dépend de nous qu'il soit ! chaque fois que nous nous établissons fermement dans l'éternel présent de la réflexion, il est.

    C'est en ce sens aussi qu'il convient de faire la différence entre la conversion véritable, qui est conversion à l'activité spirituelle pure, qui n'est donc jamais "gagnée une fois pour toutes", mais qui doit se conquérir à tout instant par la lutte contre l'entropie de la paresse et du laisser aller, et la fausse conversion religieuse, qui prend place à un moment donné du temps de vie, à l'occasion d'une cérémonie rituelle, après une période plus ou moins longue et difficile de préparation et d'ascèse :longue pour la conversion au judaîsme ou au christianisme, très courte pour l'Islam. Ce qui explique les statistiques sur les conversions.....

     


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