• Marcel Gauchet et la réforme

    Marcel Gauchet: «Le gouvernement est en train de trucider la recherche»

    Dans le cadre de l'opération «Changeons le programme», le philosophe Marcel Gauchet a tenu des propos virulents contre la réforme universitaire, pourfendant «la gravité de ces pseudo réformes irresponsables imaginées par l¹actuel gouvernement et ses sbires du monde universitaire».

    Marcel Gauchet à l'EHESS

    Durant une longue conférence de près de deux heures à l¹Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), Marcel gauchet a prononcé un réquisitoire argumenté contre le programme de réforme gouvernemental des universités.

    L¹auteur du désenchantement du monde s¹estimant en « état de légitime défense pour une certaine idée du savoir et de la réflexion » a énuméré les motifs de l¹anesthésie de la pensée de notre monde. Anesthésie dont le néolibéralisme est la théorisation de l¹inutilité d¹un certain savoir, phénomène paradoxal de désintellectualisation par l¹avènement d¹une société du savoir : « Le néolibéralisme accompagne un mouvement profond de nos sociétés qui les détournent de l¹ambition de se penser au nom d¹une connaissance qui se substituerait avantageusement à cette exigence ». Marcel Gauchet décrit ainsi une indigence intellectuelle, une forme de placidité végétative qui se révélera  peu efficace face à la situation difficile traversée par nos sociétés.

    Une réforme profondément « toxique »

    Revenant sur la réforme des universités, Gauchet ne retient pas ses coups, la qualifiant de profondément « toxique ». S¹attardant sur la question de l¹évaluation des travaux des chercheurs, il estime que la « crise financière témoigne d¹une crise du jugement. Du point de vue des instruments de calculs et d¹évaluations des différents acteurs financiers, tout allait bien, sauf qu¹il existait d¹énormes failles dans le paysage pas du tout impossibles à discerner puisque quelques bons observateurs en avaient fait le diagnostic. Sauf que ces instruments de calculs interdisaient de prendre en compte ces réalités, d¹où le souverain mépris des économistes officiels pour ces avertissements ».

    Du vandalisme politique

    Sans nier les dysfonctionnements du système universitaire français (massification de l¹accès aux universités), le rédacteur en chef de la revue Le Débat dénonce le réformisme de l¹actuel président de la République, l¹absence de diagnostic préalable, et le fétiche brandi de « l¹autonomie ».

    Dans cette méconnaissance des sujets traités par nos politiques, il discerne une forme de cynisme, de méconnaissance et même de vandalisme : « le gouvernement entreprend de démanteler le CNRS mais sans aucune analyse de ce qui ne marche pas, et sans la moindre réflexion stratégique sur les conditions d¹une recherche féconde et efficace. Nous avons affaire à une alliance du lobby industrialo-universitaire de la recherche appliquée et de l¹administration centrale pour installer un système de pilotage de la recherche. Or la recherche, cela s¹aide mais cela ne se pilote pas, ce qui est exigé c¹est la souplesse, la réactivité. Nous avons affaire à une administration qui ne rêve que de trucider la recherche.  L¹important c¹est le mot réforme, ce qu¹elle recouvre, n¹a aucune importance. Cette fois-ci on l¹appelle autonomie ».

    Le chassement de Shanghaï : traumatisme pour nos élites de bons élèves

    Le philosophe s¹amuse alors d'un événement burlesque, « un séisme pour nos élites de bons élèves qu¹a provoqué la publication du classement de Shanghai en 2003. Traumatisme que de découvrir que les établissements, dont ils étaient fiers d¹avoir été, occupaient des places pitoyables. Nous subissons le choc de cette découverte. Les politiques universitaires sont entièrement guidés par l¹obsession de laver l¹affront et de remonter dans le classement de Shanghai sans la moindre réflexion publique sur la signification de ce classement, sur ses biais et les problèmes posés par ce classement ».

    Le système le plus performant du mondeŠ

    Marcel Gauchet n¹hésite d¹ailleurs pas à affirmer que le système universitaire français est le plus performant du monde « parce qu¹il produit le plus avec le moins de moyens, ce qui ne veut pas dire que la performance finale est optimale mais nous soutenons très honorablement la comparaison avec nos collègues américains alors qu¹en termes de moyens nous devrions être quelque part au niveau du Burkina Fasso. Il demeure donc une vraie compétitivité de ce système quels que soient ses défauts ».

    Avant de conclure en pointant l¹un des défauts majeurs du système américain, souvent présenté en exemple par ces élites surdiplômées. « Il est incapable de se reproduire par lui même mais ne survit que par le débauchage d¹élites étrangères ».

    CONFERENCE AUDIO : http://www.marianne2.fr/Marcel-Gauchet-Le-gouvernement-est-en-train-de-trucider-la-recherche-_a175017.html?preaction=nl&id=5908147&idnl=25602 <http://www.marianne2.fr/Marcel-Gauchet-Le-gouvernement-est-en-train-de-trucider-la-recherche-_a175017.html?preaction=nl&id=5908147&idnl=25602>

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